jeudi 4 juin 2009

Elections européennes



" L'Europe montre qu’il n’est pas de modèle unique... "



Voici le discours que j'ai prononcé hier soir à Villeurbanne, lors du grand meeting de campagne des élections européennes. Bonne lecture à tous !


" A quelques jours des élections européennes, on nous dit que les Français se désintéressent de l'Europe. On nous prédit un taux d'abstention record. Pire encore, certains annoncent à l'avance l'échec programmé de notre camp.

C’est vrai que les Français s’interrogent ! S’ils s’interrogent, s’ils doutent, c’est parce qu’ils sont inquiets devant un cours du monde qui leur apparaît lourd de menaces pour leur avenir et pour celui de leurs enfants.

Ils craignent pour leur emploi, pour le niveau de leurs salaires, pour la permanence de leur protection sociale, pour l’avenir des services publics, garants d’un minimum d’égalité entre tous les Français.

La crise économique que nous connaissons est venue exacerber les peurs, en même temps qu’elle a provoqué un sentiment de colère envers les responsables de cet immense gâchis de ceux qui, alors même qu’ils mettaient en place les produits les plus délirants, s’attribuaient bonus, stocks options, parachutes dorés, tout en appelant d’ailleurs les salariés à la rigueur la plus absolue.

Devant de telles dérives, nos concitoyens éprouvent la tentation du repli. Ils ont un désir de figer le mouvement du monde pour protéger leurs acquis.

Cette voie, nous le savons, ne peut mener nulle part. Car le monde change et il change rapidement.

Il change avec l'arrivée dans la compétition économique des nouveaux grands pays : Chine bien sûr, mais aussi Inde et Brésil.

Il change avec des économies de plus en plus interdépendantes où le choc immobilier intervenu aux Etats-Unis s’est répercuté immédiatement à toute la planète et a mis à mal toutes les économies.

Il change parce qu’on ne pourra faire l’impasse sur les problèmes posés par le changement climatique, le caractère limité des ressources énergétiques ou la perte progressive de la biodiversité.

L’ensemble de ces défis, il serait illusoire de croire que nous puissions les relever dans le seul cadre national ! C’est le cadre européen, seul qui nous permettra d'être à la hauteur de ces enjeux.

Si l’on voulait s’en persuader, il n’y aurait qu’à regarder l’ampleur des différents plans de relance.

Quand les Etats-Unis mettent 800 milliards dans leur plan de relance, quand la Chine en met près de 1000 milliards, le plan français de 25 milliards d’euros est évidemment quantité négligeable.

Et, si l'Europe risque de connaître une reprise moins rapide que les Etats-Unis d'où est pourtant parti le séisme, c'est largement parce que les pays européens ont continué à privilégier des réponses nationales plutôt que de construire ensemble une relance coordonnée qui seule serait efficace.

Aujourd'hui, aucun de nos pays ne saurait durablement tirer son épingle du jeu en voulant jouer en solitaire.

L'Irlande qui avait cru pouvoir fonder une croissance plus forte sur un dumping fiscal réalisé au détriment des autres pays européens, est aujourd'hui à terre.

L'Angleterre qui avait cru, en arrimant la City au New York Stock Exchange et aux grandes banques américaines, pouvoir jouer gagnant, s'enfonce dans une récession qui va être sévère pour tous les salariés britanniques.

Face à la crise, la réponse européenne aurait dû être commune avec un plan de relance concerté entre les différents pays et non avec une juxtaposition de plans de relance qui finissent par se contrecarrer et finalement s’annihiler les uns les autres.


" L’économie n’est qu’un moyen au service d’une finalité plus grande... "

En fait, l’Union Européenne reste un assemblage de nations qui veulent chacune pouvoir récupérer leur contribution au budget de l’Union, sans développer aucune solidarité entre les différents pays. En témoigne le fait qu'un certain nombre de pays de l'Europe centrale et orientale aient dû, pour éviter une banqueroute totale, davantage compter sur l'aide du FMI que sur celle de l'Union Européenne.

C’est là un drame pour notre avenir commun, parce que l'idéal européen se délite et que l’Union Européenne apparaît au mieux comme une routine, au pire comme une contrainte.

L'on est donc bien loin des idéaux des pères fondateurs pour qui l’Union visait d’abord à éviter des affrontements économiques qui avaient chaque fois conduit à la guerre et qui voulaient faire de l'Europe un instrument de paix et de prospérité à l’échelle de notre continent.

A nous, socialistes, de reprendre l’idée qu’ils promouvaient : celle que l’économie n’est qu’un moyen au service d’une finalité plus grande.

Oui, l’Europe comme projet de civilisation, cela devrait être l’idée forte, structurante de notre projet socialiste à l’orée de ce 21e siècle !

Un projet capable de conjuguer compétitivité économique, ambitions sociales fortes et volonté d'être à l'avant-garde de la révolution écologique que nous sommes aujourd'hui en train de vivre pour en faire, non un projet particulier , mais un modèle pour les pays du monde entier.

Car l'Europe est porteuse d'un certain nombre de valeurs qui l’identifient bien dans ce monde : des valeurs de libertés, de justice sociale, d’une certaine conception de l’égalité qui rayonnent très au-delà de notre continent.

Par la différence même de ses cultures, l'Europe montre qu’il n’est pas de modèle unique auquel il faudrait nécessairement se référer, que la civilisation de demain naîtra forcément du respect de toutes les cultures et de tous les modes de vie !

L'Europe a tout pour réussir. A condition qu'elle retrouve un volontarisme de l'action qui apporte une nouvelle espérance aux peuples qui la composent.

Pour cela, Il faut en changer les règles du jeu.


" Mettre au cœur de la croissance nouvelle le développement durable... "

Dans le domaine économique par exemple, nous devons affirmer que les objectifs d’un gouvernement économique ne sauraient se limiter à contrôler l'inflation et les déficits, certes nécessaire mais, qu’ils doivent aussi et surtout viser à promouvoir une nouvelle croissance capable de répondre à la volonté des différents peuples, ceux des pays d'Europe de l'Ouest pour qui il s’agit de préserver leur niveau de vie et celles des nouveaux entrants qui veulent rattraper au plus vite leur retard.

Cette nouvelle croissance européenne ne peut avoir qu’une source : l’innovation et la création.

Face au défi des pays émergents à bas coût de main d'œuvre, mais qui intègrent de plus en plus rapidement les technologies nouvelles, il nous faut toujours pouvoir garder une longueur d'avance.

C'est pourquoi, les socialistes doivent, aux côtés de leurs idéaux de justice sociale, porter les valeurs de l’innovation, de la création, de la volonté d’entreprendre.

Nous devons redevenir le parti des avant-gardes, des chercheurs, des intellectuels, de toutes celles et de tous ceux qui inventent le monde de demain, dans tous les domaines, économique, social, culturel !

On nous parle souvent, à propos de l’Europe, de la volonté d’aller vers une économie de la connaissance. Faisons-là entrer dans les faits.

D’abord en dégageant des budgets pour cela. Il est invraisemblable que le budget de la PAC absorbe 42% des crédits quand la recherche n’en mobilise que 4% !

Mais, il nous faut aller plus loin : faire tomber les frontières, faire en sorte que nos universités, nos centres de recherche travaillent en commun, de manière à ne plus laisser aux Etats-Unis, au Japon voire au Canada le monopole des inventions et des technologies de l'avenir.

Dans cette grande mutation, nous devons mettre au cœur de la croissance nouvelle le développement durable. Les problématiques du changement climatique, du passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables, de la préservation des espèces sont devenues incontournables.

Les pays qui demain seront les acteurs majeurs de l’économie mondiale seront aussi les pays qui auront su investir les technologies vertes, qui auront su développer un autre modèle de production, un autre modèle de consommation.

L’Europe a dans ce domaine une longueur d’avance du point de vue des normes adoptées, du point de vue de la culture de ses peuples.

Il ne faudrait pas que demain, elle abandonne ses marchés à d’autres, faute d’avoir développé les industries capables de répondre à cette demande nouvelle.

Si l'Europe est capable de développer de tels projets, de retrouver un vrai élan économique, elle retrouvera aussi son rang dans le concert des nations et pourra contribuer à changer le cours de notre monde.

Face aux aberrations auxquelles a conduit une économie internationale déréglée, largement inspirée du modèle anglo-saxon, une économie où la spéculation rapportait davantage que la production, le modèle européen peut aujourd'hui retrouver des couleurs.

Car, un peu partout dans le monde, on s'aperçoit que notre modèle de protection sociale constitue un amortisseur à la crise.

Si nous sommes aussi capables de rebondir et de sortir de la crise par des politiques dynamiques dans le domaine économique, alors, l’Europe redeviendra une référence.

Elle pourra, à ce moment-là, avec pertinence, affirmer qu’une économie mondialisée ne peut exister sans régulation, même si c’est évidemment à un autre niveau que celui des états-nations.

Elle pourra peser pour un renforcement des institutions internationales conformément à l’esprit des signataires de Bretton Woods, qui voulaient conjuguer stabilité monétaire, croissance du monde et nouvelle répartition des richesses.

Elle pourra peser pour l’établissement de nouvelles règles prudentielles, pour les marchés financiers.

Et c’est en partant de telles ambitions, de tels projets, que l'Union Européenne retrouvera sa crédibilité !

En tout cas, c’est là le projet européen que nous, socialistes, nous devons porter.


" Trouver des réponses qui allient humanité et sens de la responsabilité... "

Reste notre positionnement national. Cessons de nous situer uniquement en référence à Nicolas Sarkozy. Cessons de nous précipiter vers tous les chiffons rouges qu’il essaie de nous tendre à la veille des élections en matière de sécurité ou de politique d'immigration.

Ne retombons-pas dans le piège d’un angélisme dont Lionel Jospin a pu voir quels effets ravageurs il pouvait avoir !

Affirmons, au contraire, que sur ces sujets importants pour l'équilibre de nos sociétés, nous sommes les seuls capables au niveau national, comme nous le faisons au niveau local, de trouver des réponses qui allient humanité et sens de la responsabilité.

Et renvoyons Monsieur Sarkozy aux piètres résultats qu'il a obtenus dans chacun de ces deux domaines ! Après tout, je ne sache pas que lorsque les socialistes étaient au pouvoir, on ait trouvé des kalachnikovs dans les banlieues !

Voilà mes chers camarades, au fond, notre destin est entre nos mains.

Que nous nous trompions d'époque, que nous nous trompions d'analyse faute d'être suffisamment à l'écoute des changements de notre société et alors, nous serons sévèrement sanctionnés.

Qu'au contraire, nous soyons porteurs d'une nouvelle espérance pour construire le monde de demain, et alors nous retrouverons l'adhésion populaire.

Mes chers camarades, il nous faut être des créateurs d'espérance et à nouveau nous pourrons gagner !

Je ne doute pas que, dans ce Grand Sud Est avec Vincent Peillon, avec Sylvie Guillaume, avec Karim Zeribi, avec Farida Boudaoud, nous ayons déjà choisi notre voie. C’est pour cela que, dimanche, nous aurons rendez-vous avec le succès. "



4 commentaires:

Roger Atlan a dit…

Encore une fois, Gérard, je te félicite pour la clairvoyance de ton analyse, à la fois sur l'Europe et sur le PS. Bravo. Amitiés,

Anonyme a dit…

"Compétitivité" ! ;-(
On retrouve malheureusement souvent ce terme dans votre vision de la ville ou plus généralement de la société. Le modèle sous-jacent au concept de compétitivité est celui qui génére l'exclusion des plus faibles, la domination (gagnant/perdant), les tensions etc...

C'est la coopération qu'il faut penser, établir et valoriser !

La compétitivité génére des mécanismes de destructions/construction couplés, avec des laissers pour compte, une logique court-termiste inadéquate à la préservation de l'écosystème etc, alors que la coopération est comme un fil tendu d'où émerge (entre les 2, pas de gagnant/perdant) des créations nouvelles, adéquates et salutaires !

Encore faudrait-il qu'il soit compris qu'il est un décallage impropre à surmonter par chacun : celui d'une logique déterministe dans un monde complexe régit par d'autres lois...

Anonyme a dit…

Bravo pour cette analyse Freudiène mais que faut il penser de tous les intervennants de la soirée politique de France 2 ??

romain blachier a dit…

voilà au moins une intervention de qualité et sur la question européenne.Ca a manqué chez beaucoup dans cette campagne.