jeudi 25 mars 2010

Nouvel Observateur

 
Feu sur "le PS d'en haut" !


Gérard Collomb dénonce "l'archaïsme" de Solférino. Il appelle les élus locaux à promouvoir en 2012 une candidature à leur image : "social-réformiste". Et si c'était DSK...

Interview publiée dans le Nouvel Obs en kiosque cette semaine.


Le Nouvel Observateur : Vous opposez la direction nationale du PS et ses élus locaux qui seraient selon vous les seuls vainqueurs du scrutin régional. N’est-ce pas un peu schématique ?

Gérard Collomb : Je n’oppose pas. Je constate une évidence. Les élus socialistes gagnent quand la rue de Solférino les accompagne. Ils gagnent également quand la même rue de Solférino leur met des bâtons dans les roues. Regardez ce qui vient de se passer dans l’ensemble des régions françaises, Languedoc-Roussillon compris.

Quel sens donnez-vous à cette victoire ?

On a tenté, à droite notamment, de ringardiser les élus locaux en expliquant qu’ils étaient des féodaux tout juste bon à faire du clientélisme ou à lever des nouveaux impôts. Cela n’a pas pris car les Français savent bien que les élus de gauche, qui constituent le PS d’en bas, mènent dans leur ensemble une politique que je qualifie de sociale-réformiste moderne.

PS d’en haut à Solférino, PS d’en bas dans les collectivités locales : il y a donc, à vos yeux, deux lignes qui s’affrontent ?

Les élus locaux socialistes, en particulier les présidents de conseils régionaux ou les maires de grandes villes, ne se contentent pas de gérer des territoires. Ils ont les yeux ouverts sur l’Europe et le monde. Ils voient le mouvement de globalisation. Ils savent d’expérience que l’économie ne se dirige plus au niveau de l’Etat-Nation. Ils constatent les évolutions qui travaillent la société, les nouveaux modes d’identification, les problèmes de ségrégation qui s’aggravent. Bref, ils ne font pas de la politique en chambre. Ils veulent réformer mais ils savent que les recettes des années 70 ou même celles de la sociale-démocratie classique sont aujourd’hui dépassées. C’est en ce sens qu’ils sont vraiment réformistes et profondément modernes.


Pour vous le PS d’en haut est devenu archaïque ?

Quand il pense, oui, il pense vieux. Sa direction actuelle est composite. Elle comprend de véritables réformistes mais son centre de gravité idéologique est à l’évidence du côté de l’archaïsme. Il résulte des alliances tactiques passées lors du congrès de Reims. C’est avec ces habiletés et ces faux semblants qu’il faut rompre au plus vite si nous voulons être fidèles au message que viennent d’envoyer les électeurs.

Les élus locaux socialistes, jusqu’à présent, ne se sont jamais organisés collectivement comme une force de pression au sein du PS. Pourquoi en irait-il autrement demain ?

Le PS est à la croisée des chemins. On peut bien sûr gagner la prochaine présidentielle par un effet mécanique d’alternance. Mais pour quoi faire ? Pour tourner casaque au bout de quelques mois en expliquant aux Français qu’on n’avait pas vu les déficits, qu’on avait sous-estimé les difficultés ? Cette politique là ne peut que nourrir la déception, le scepticisme et au final, la colère. Les vrais réformistes du PS ne veulent pas reconquérir le pouvoir pour le pouvoir. Ils veulent un changement durable. Tout cela se prépare, tout cela s’organise. C’est le moment !

Vous ne faites pas confiance à Martine Aubry qui, après tout, est à la fois première secrétaire et maire de Lille ?

Le problème, c’est qu’il y a deux Martine Aubry. Celle de Lille qui gouverne avec le centre et voit la société telle qu’elle est. Et celle de Solférino qui, sur les retraites notamment, vient de faire un pas en avant puis deux pas en arrière sous la pression de ceux qui l’ont fait reine. Quand je l’écoute parler, je sens qu’elle reste fidèle aux canons du socialisme traditionnel qui sont très respectables mais qui ne sont plus adaptés aux enjeux de notre temps. On ne régule plus comme avant. La puissance publique doit s’exercer au niveau régional et européen. Les classes sociales ont sinon disparu, du moins changé. Le rapport au travail s’est modifié. L’écologie n’est pas une question d’alliance entre forces politiques rivales mais un projet que les élus locaux socialistes ont pris à bras le corps depuis belle lurette, sans attendre les Verts.

Pour remettre le PS sur son axe réformiste, le plus simple ne serait-il pas de promouvoir un candidat réellement réformiste lors de la prochaine présidentielle ?

C’est une évidence et un problème car pour le moment, personne ne porte ouvertement  et de manière crédible cette espérance dans les débats du PS.

Personne ?

J’ai pour ma part des convergences avec des responsables politiques comme François Hollande ou Pierre Moscovici. Mais il faut être réaliste, personne aujourd’hui ne me semble en mesure d’incarner ce grand courant de pensée. Il est encore un peu tôt pour faire un choix mais il convient de faire bouger les lignes au plus vite pour que ce choix, le moment venu, s’impose de lui-même.

Vous pensez à Dominique Strauss-Kahn? Lui avez-vous parlé ?

Pour ma part, je suis déterminé et je n’ai pas besoin de l’appeler tous les jours pour savoir ce qui peut lui servir et surtout ce qui peut servir le pays. Il est indépendant. Moi aussi. Cela dit, j’estime – et je l’ai dit à ses proches – que sa stratégie attentiste n’est pas la bonne. J’en devine les raisons tactiques. Elles ne me semblent pas à la hauteur de l’enjeu.

Dominique, vite ! C’est donc le slogan des réformistes du PS ?

Il faut que le PS désigne son candidat avant l’été 2011. Cela suppose que les réformistes s’organisent dans les semaines à venir pour faire monter dans l’opinion, par des clubs, des colloques ou des appels, un mouvement qui sache entrainer les forces vives – chercheurs, acteurs économiques, intellectuels… - qui pour le moment restent l’arme au pied, faute d’espoir crédible. Il faut également forcer la direction nationale du PS à retrouver l’axe réformiste qui est l’axe naturel du parti. Je souhaite que ce double objectif soit atteint cet automne pour que nous puissions passer, alors,  à l’étape suivante : la primaire et le choix du candidat.

Ou de la candidate… 

Au regard du projet réformiste que j’appelle de mes vœux, Martine Aubry est aujourd’hui trop conservatrice. Quant à Ségolène Royal, elle avance trop en zigzag pour pouvoir ranimer cette flamme qui a fait autrefois son succès.

Au fond, n’êtes vous pas condamné à attendre l’oracle de Washington ?
Mais précisément, je ne veux pas attendre ! Je n’ai pas envie que perdure cette situation où rien ne bouge, où chacun s’observe en attendant de voir à qui le PS se donnera, lorsque Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn auront fini par se mettre d’accord. La candidature de l’une ne me semble pas correspondre aux défis posés à la France. Celle de l’autre me convainc. Mais à force d’attendre DSK, il ne faudrait pas que les réformistes du PS se retrouvent, in fine, face au menu unique de la première secrétaire.

Au fond, vous voulez faire bouger le PS pour aider DSK à avancer ?

Je me bats pour un projet, pour que celui-ci l’emporte en 2012 et qu’il tienne la route après la victoire. Ce projet ne tombera pas d’en haut. Il suppose un mouvement qui entraine, qui bouillonne, qui sache convaincre une opinion sceptique. Ma stratégie n’est pas celle de l’homme ou de la femme providentiel dont personne ne sait encore, au demeurant, s’il existe vraiment. Je n’ai pas l’intention, en tous cas, de demander l’autorisation à quiconque avant d’agir.

Pourquoi ne vous avancez-vous pas vous-même en étant candidat à la candidature ?

Il y a  parmi les grands élus socialistes des hommes et des femmes qui, dans d’autres pays que la France, auraient naturellement vocation à gouverner. Dans notre tradition, ce rôle est réservé à des leaders formés par les appareils politiques. Est-ce que cela peut changer demain ? J’avoue ne pas savoir. Comme maire de Lyon, en revanche, je sais qu’on ne rebâtira pas une gauche crédible si on n’écoute pas le message qu’un Rousset en Aquitaine, qu’un Queyranne en Rhônes-Alpes, qu’un Le Drian en Bretagne ou qu’un Masseret en Lorraine ont su incarner dans la campagne des régionales. C’est avec eux – et au-delà, avec les vrais réformistes du PS, tel Bertrand Delanoë s’il veut bien rester fidèle à ce qu’il croit – que l’on gagnera en 2012. Le seul choix qui nous reste aujourd’hui est de se taire ou d’avancer sans complexes. Je suis certain que nous serons nombreux à le faire dans les prochains mois, moi j’ai choisi.


Propos recueillis par François Bazin et Matthieu Croissandeau

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Jeudi 1er avril entre 17h et 17h30 devant l'hôtel de Ville de Lyon : Manifestation : Erick Roux de Bézieux - Maire de Lyon 2014

Slimane a dit…

M. Collomb

Bravo pour votre franc parler. J'espère en effet qu'Aubry n'espère pas faire main basse sur le parti en jouant la montre. Ce serait le pire des scénarii. J'apprécie la clairvoyance de votre propos. Il reste toutefois une question qui concerne le leadership à gauche. J'ai vue vos déclarations récentes à propos de Daniel Cohn-Bendit. Que pensez-vous de la démarche entreprise aujourd'hui par De Villepin ? Il ne faut pas négliger son pouvoir de nuisance à droite ! Et je pense qu'on ne sera jamais trop nombreux pour reprendre la main sur Sarkozy...

Anonyme a dit…

En tout cas, comme beaucoup d'autres en Rhône-Alpes, je voterai pour le social-humanisme de Ségolène Royal.
On a vu ce que le réformiste mi gauche mi-droite DSK a fait comme privatisations, mises en place des niches fiscales, les super bonus des traders et même que la droite dit qu'il est à l'origine des parapluies dorés.
On aimerait voir une touche socialiste au FMI en direction des pays émergents.
Non à ce saupoudrage de gauche qu'est le social-libéralisme de DSK!
Moi j'appelle de mes vœux l'avènement de la démocratie participative et une élection de Ségolène Royal en 2012; ça nous changera de cette politique ringarde qui n'en a que pour les privilégiés et qui est sourd aux attentes des citoyens..
C'était pour promouvoir cette politique àau PS que nous avons rejoint la Motion E conduite par Ségolène Royal en novembre 2008.

Anonyme a dit…

Bonjour,

La manifestation devant les grilles de la mairie est-elle maintenue jeudi soir ?

Lol

Adeline a dit…

La Motion E avait pour 1er signataire.... Gérard Collomb! Il ne faut pas l'oublier. Je pense que dans ce courant se retrouvaient de nombreux progressistes de gauche, bien au-delà de Ségolène. Ne pourrait-on pas voir plus large qu'une simple réunion de socialistes ? Avec les déçus du centre et de la droite, il y a un boulevard pour un front démocratique dans notre pays. Si des gens comme Collomb, DSK, Royal, Bayrou, Villepin, Cohn Bendit... arrivaient à mettre de côté les batailles d'ego, alors l'UMP n'aurait plus qu'à faire ses valises. Alors un peu d'effort svp...

VuDeLyon a dit…

Collomb président ?

Vous connaissez Yvan de Lyon ? a dit…

Hello gégé,
Tu connais Yvan de Lyon ? Tu devrais mettre son blog dans ton blog roll.
A+

Jocelyn Joncour a dit…

out le débat consiste à savoir si le PS souhaite se donner les moyens pour 2012????
Je partage l'analyse de Gérard Colomb, outre l'affection que j'ai pour lui, la luciditée est aussi une de ses qualitées!

Anonyme a dit…

site web Sweet, je n'étais pas venu sur votre blog avant dans mes recherches! Continuer sur le travail fantastique!

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour la rédaction du présent, il était incroyablement instructif et m'a dit d'une tonne