" Un coup d'arrêt à la décentralisation "
Je serai cet après-midi à Bordeaux pour les 37e Journées des Communautés Urbaines de France. Alors que de plus en plus de voix se font entendre contre la réforme des collectivités locales, notamment celle d'Alain Juppé hier (cliquer ici), voici la tribune que vient de publier dans la presse un autre ancien Premier Ministre, Pierre Mauroy
" Le projet de loi gouvernemental portant sur la réforme des collectivités locales que le gouvernement voulait mettre en débat au Sénat, dès l’ouverture de la session d’automne, prend du retard. Ce retard est dû aux désaccords internes à la majorité qui rendent difficiles les arbitrages que veut faire en dernier ressort Nicolas Sarkozy. Ce qui explique que nous ne disposions pas encore du projet définitif et des mesures finalement retenues.
Au cours de l’année dernière, plusieurs groupes, missions et comités se sont penchés sur cette question de la réforme des collectivités locales.
Personnellement j’ai participé avec André Vallini aux travaux de la Commission Balladur dans l’état d’esprit de faire progresser la démarche décentralisatrice initiée par les lois de 1982-83 qui a connu auprès des Français un véritable plébiscite. C’est pourquoi nous avons approuvé les quelques propositions du Comité qui allaient dans ce sens, pensant engager l’Acte III de la décentralisation. Il en est ainsi, par exemple, de l’élection des organes délibérant des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux. Il en est encore ainsi de la création de onze métropoles par la loi. Personnellement, je souhaitais qu’une vingtaine soit créée d’emblée.
En effet, je pense que la "métropolisation" permettra aux villes françaises de se hisser à la hauteur de leurs concurrentes européennes et de rivaliser avec elles en puissance et en notoriété.
Qu’en sera-t-il du projet de loi ? L’avant-projet retient l’idée d’en créer sept. Il faut attendre le texte définitif pour en savoir plus. Très vite, au fil des travaux, pourtant, je me suis rendu compte que d’autres dispositions, auxquelles André Vallini et moi nous nous sommes opposés avec force, avaient pour objectif de mettre fin à la décentralisation. Il en est ainsi de la proposition de créer des conseillers territoriaux siégeant à la fois au Conseil général et au Conseil régional.
Cette disposition, qui apparaît comme un inutile "big-bang", marque plus qu’un recul dans la marche en avant de la décentralisation et de la régionalisation. Car elle conduit à engager à nouveau la France sur la voie de la"recentralisation" et du renforcement de son pouvoir par l’actuel président de la République. Je regrette vivement que la création des conseillers territoriaux constitue la mesure-phare du projet de loi gouvernemental.
Au prétexte de faire des économies (en fait dérisoires) en réduisant de moitié le nombre des élus locaux, cette proposition organise la dénaturation de leur fonction comme celle des politiques portées par les deux assemblées, ce qui n’est satisfaisant ni intellectuellement ni pratiquement.
En fait, cette mesure conduira inévitablement à l’affaiblissement des deux assemblées concernées et donc au renforcement du pouvoir central.
Même si le département n’est pas épargné, la collectivité la plus touchée sera, selon moi, la région, coupée dans son élan par la volonté du gouvernement de mettre fin à l’autonomie financière des collectivités. Les régions ayant vocation à assurer la compétitivité des territoires, il me semblait essentiel de faire émerger de grandes régions puissantes et articulées sur l’Europe. Or, c’est l’inverse qu’on nous prépare.
En outre, si le mode de scrutin de ces conseillers territoriaux est bien, comme j’ai pu le lire récemment, un scrutin à un tour avec une dose de proportionnelle, on comprend mieux les arrière-pensées partisanes qui fondent cette réforme : en finir avec la domination de la gauche sur les assemblées locales. La tradition française étant celle du regroupement de la gauche au 2nd tour, la droite pourrait ainsi reconquérir les pouvoirs locaux avec une majorité relative des voix, autour de l’UMP, qui se veut le parti unique de la droite.
Enfin, comment ne pas voir dans la suppression de la taxe professionnelle une façon de faire perdre aux collectivités territoriales leur autonomie fiscale ?
A l’étude depuis des années, on sait déjà que les différentes sources de compensation envisagées ne seront pas à la hauteur des recettes nécessaires. Les marges de manœuvre des collectivités en seront réduites et leur dépendance vis-à-vis de l’Etat renforcée. Sur ce plan encore, un coup d’arrêt est porté à la décentralisation.
Depuis plus de trente ans, notre pays avait enfin rompu avec sa tradition jacobine et donné aux collectivités territoriales un souffle de liberté qui leur avait permis de se développer et de travailler de façon très efficace au bien-être de nos concitoyens. C’est dire si le projet de loi qui sera déposé en octobre sur le bureau du Sénat ne répondra pas aux attentes de la gauche et de nombreux républicains. Quoi qu’il en soit, je serai de tous les combats pour empêcher l’avènement de l’An I de la recentralisation."
" Le projet de loi gouvernemental portant sur la réforme des collectivités locales que le gouvernement voulait mettre en débat au Sénat, dès l’ouverture de la session d’automne, prend du retard. Ce retard est dû aux désaccords internes à la majorité qui rendent difficiles les arbitrages que veut faire en dernier ressort Nicolas Sarkozy. Ce qui explique que nous ne disposions pas encore du projet définitif et des mesures finalement retenues.
Au cours de l’année dernière, plusieurs groupes, missions et comités se sont penchés sur cette question de la réforme des collectivités locales.
Personnellement j’ai participé avec André Vallini aux travaux de la Commission Balladur dans l’état d’esprit de faire progresser la démarche décentralisatrice initiée par les lois de 1982-83 qui a connu auprès des Français un véritable plébiscite. C’est pourquoi nous avons approuvé les quelques propositions du Comité qui allaient dans ce sens, pensant engager l’Acte III de la décentralisation. Il en est ainsi, par exemple, de l’élection des organes délibérant des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux. Il en est encore ainsi de la création de onze métropoles par la loi. Personnellement, je souhaitais qu’une vingtaine soit créée d’emblée.
En effet, je pense que la "métropolisation" permettra aux villes françaises de se hisser à la hauteur de leurs concurrentes européennes et de rivaliser avec elles en puissance et en notoriété.
Qu’en sera-t-il du projet de loi ? L’avant-projet retient l’idée d’en créer sept. Il faut attendre le texte définitif pour en savoir plus. Très vite, au fil des travaux, pourtant, je me suis rendu compte que d’autres dispositions, auxquelles André Vallini et moi nous nous sommes opposés avec force, avaient pour objectif de mettre fin à la décentralisation. Il en est ainsi de la proposition de créer des conseillers territoriaux siégeant à la fois au Conseil général et au Conseil régional.
Cette disposition, qui apparaît comme un inutile "big-bang", marque plus qu’un recul dans la marche en avant de la décentralisation et de la régionalisation. Car elle conduit à engager à nouveau la France sur la voie de la"recentralisation" et du renforcement de son pouvoir par l’actuel président de la République. Je regrette vivement que la création des conseillers territoriaux constitue la mesure-phare du projet de loi gouvernemental.
Au prétexte de faire des économies (en fait dérisoires) en réduisant de moitié le nombre des élus locaux, cette proposition organise la dénaturation de leur fonction comme celle des politiques portées par les deux assemblées, ce qui n’est satisfaisant ni intellectuellement ni pratiquement.
En fait, cette mesure conduira inévitablement à l’affaiblissement des deux assemblées concernées et donc au renforcement du pouvoir central.
Même si le département n’est pas épargné, la collectivité la plus touchée sera, selon moi, la région, coupée dans son élan par la volonté du gouvernement de mettre fin à l’autonomie financière des collectivités. Les régions ayant vocation à assurer la compétitivité des territoires, il me semblait essentiel de faire émerger de grandes régions puissantes et articulées sur l’Europe. Or, c’est l’inverse qu’on nous prépare.
En outre, si le mode de scrutin de ces conseillers territoriaux est bien, comme j’ai pu le lire récemment, un scrutin à un tour avec une dose de proportionnelle, on comprend mieux les arrière-pensées partisanes qui fondent cette réforme : en finir avec la domination de la gauche sur les assemblées locales. La tradition française étant celle du regroupement de la gauche au 2nd tour, la droite pourrait ainsi reconquérir les pouvoirs locaux avec une majorité relative des voix, autour de l’UMP, qui se veut le parti unique de la droite.
Enfin, comment ne pas voir dans la suppression de la taxe professionnelle une façon de faire perdre aux collectivités territoriales leur autonomie fiscale ?
A l’étude depuis des années, on sait déjà que les différentes sources de compensation envisagées ne seront pas à la hauteur des recettes nécessaires. Les marges de manœuvre des collectivités en seront réduites et leur dépendance vis-à-vis de l’Etat renforcée. Sur ce plan encore, un coup d’arrêt est porté à la décentralisation.
Depuis plus de trente ans, notre pays avait enfin rompu avec sa tradition jacobine et donné aux collectivités territoriales un souffle de liberté qui leur avait permis de se développer et de travailler de façon très efficace au bien-être de nos concitoyens. C’est dire si le projet de loi qui sera déposé en octobre sur le bureau du Sénat ne répondra pas aux attentes de la gauche et de nombreux républicains. Quoi qu’il en soit, je serai de tous les combats pour empêcher l’avènement de l’An I de la recentralisation."
6 commentaires:
Mr Collomb,
vous avez raison de vous battre. En supprimant la TP le gouvernement envisage de créer un nouvel impot dont il fixera lui même le taux national. C'est à dire que c'est l'Etat qui demain décidera seul des ressources des collectivités locales! En maitrisant leurs recettes, l'Etat centralisateur maitrisera aussi les dépenses. CQFD. D'accord avec Mauroy et Juppé.
C'est un combat majeur pour la vie démocratique de notre pays et sa survie comme puissance qui compte au sein de l'Europe.
Il faut vraiment un grand mouvement de fond pour contrer cette politique présidentielle rétrograde, d'autant plus que les citoyens ont, en ce moment, de telles préoccupations pour leur vie quotidienne qu'ils se détournent de ces questions, sans promettre des lendemains qui chantent ,il faut éviter surtout pour les plus modestes des réveils douloureux, si non ce sera comme dans les entreprises, dans quelques années il n'y aura plus d'interlocuteurs de proximité, après le lavage des cerveaux par les télés présidentielles , ce sera la robotisation des rapports sociaux et la gouvernance par décret.
Non vraiment, il faut un avenir meilleur avec des collectivités locales fortes.
Simone
Simone
1/ Sarko s'en prend au portefeuille des collectivités
2/ Il affaiblit le rôle des élus territoriaux
3/ Il réforme le calendrier des elections locales pour organiser un scrutin unique sur un mandat unique favorable à l'UMP (uninominal à un tour)
Tout ça a un fort parfum d'auto-centrisme présidentiel!
1 président de la république
39 ministre
998 parlementaires
1880 conseillers régionaux
4220 conseillers généraux
36838 maires
492000 conseillers municipaux...
Et une réforme qui ne vise qu'à fondre les élus des départements et des régions, soient à peine 1% des élus.
De qui se moque le gouvernement ?
On veut mettre les territoires en concurrence, çà a été le but des lois Raffarin acte 1 (2003) et acte 2 (2004), Sarkozy est dans une logique de continuité dans l'accentuation de la décentralisation, mais la suppression de la taxe professionnelle a une connotation éléctoraliste : annonçer, au bon moment, la suppression de cette taxe pour que les acteurs concérnés par cette taxe, se mobilise pour la droite, pourquoi n'a-t-il pas amorçé ce "chantier fiscal" en début de mandat? de toute façon, on supprime une taxe pour en créer de nouvelles (14 depuis le début de son mandat).
Tenez mon lapin : vous allez l'aimer celui-là : http://www.shaomi-blog.net/2009/11/karcher-mon-cul.html
Ne vous inquiétez pas, votre tour viendra vu que c'est toujours l'anarchie en bas de chez moi et que ça, ça dépend de chez vous et pas de Sarko ^^
@mitiés,
Shaomi.
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