Comme je le fais chaque 24 avril, j'étais hier à la cérémonie commémorant le génocide des Arméniens de 1915. Voici le discours que j’ai prononcé à cette occasion au Mémorial Lyonnais du Génocide des Arméniens
« Chers Amis,
Nous sommes réunis pour commémorer ensemble le 93e anniversaire du 24 avril 1915, date qui marque le début du premier des génocides du 20e siècle. Le génocide du peuple arménien.
A Constantinople, dans cette terrible nuit du 24 au 25 avril 1915, plusieurs centaines d’Arméniens sont arrêtés en pleine rue, à leurs domiciles ou sur leurs lieux de travail.
Ces hommes, des intellectuels, des journalistes, des enseignants, des religieux et des représentants politiques de la communauté arménienne sont immédiatement déportés hors de la ville, puis sauvagement assassinés, sans jugement.
Ces journées d’horreur ne devaient rien au hasard.
Il s’agissait bien alors d’anéantir un peuple, son histoire, sa langue, ses traditions religieuses et spirituelles, sa culture et sa mémoire la plus profonde.
"Empêcher un second crime, celui contre la mémoire des victimes..."
Il faut rappeler cette histoire, toute cette histoire, et se souvenir qu’en 1915, le monde avait les moyens de voir ce qui était en train de se passer. Le monde avait les moyens d’arrêter, d’empêcher le génocide en cours.
Et pourtant, le monde est alors resté aveugle et silencieux. Et le génocide a eu lieu.
Malgré les protestations de quelques témoins, aucune grande puissance occidentale, aucun gouvernement ne s’est levé pour tenter de mettre fin à cette entreprise de destruction humaine à l’ampleur jamais égalée jusqu’alors.
Quelques grandes consciences, bien sûr, avaient fait entendre leur voix pour dénoncer le caractère inacceptable de ce crime annoncé, au premier rang desquelles, Jean Jaurès, Clémenceau ou Francis de Pressensé.
Mais le courage et la lucidité de quelques-uns ne suffirent pas face à l’aveuglement et le silence d’une majorité restée indifférente.
L’irréparable du crime contre l’Humanité fut alors commis.
Il revenait aux survivants, à leurs descendants et à l’Humanité tout entière d’empêcher un second crime, celui qu’on allait tenter de porter contre la mémoire des victimes.
"Un combat pour la Mémoire et la dignité humaine..."
C’est le long combat pour la reconnaissance du génocide qui commençait.
A Lyon, dans notre agglomération et dans la région Rhône-Alpes ce combat trouva un écho puissant. Et les femmes et les hommes qui arrivaient blessés au plus profond d’eux–mêmes par le deuil et l’exil trouvaient non seulement un asile mais dans les élus de la Ville Justin Godart, dans le Maire lui-même Edouard Herriot, des ardents défenseurs de la cause arménienne.
A travers eux, et beaucoup d’autres de nos concitoyens, notre ville prit conscience qu’elle se devait d’assumer un rôle particulier dans ce combat pour la Mémoire et la dignité humaine.
Cet engagement que Lyon prit envers l’ensemble de ses concitoyens d’origine arménienne, nous l’honorons encore aujourd’hui en rendant hommage aux victimes du génocide, à leurs enfants, petits-enfants et descendants de toutes générations.
C’est un héritage et un devoir moral que nous sommes fiers de continuer à porter pleinement au travers de l’action dans notre Cité.
A travers les multiples initiatives que nous menons tout au long de l’année pour transmettre la Mémoire du Génocide des Arméniens aux générations futures.
A travers le combat incessant, que nous menons depuis tant d’années pour la reconnaissance du génocide, en France, et partout à travers le monde.
A travers ce Mémorial, enfin, que nous avons bâti au cœur même de notre Cité avec tant d’ardeur, et en surmontant tant de difficultés !
Mémorial qui dépassant la cause arménienne est devenu un symbole de l’universalité humaine.
Et je suis fier de ce que lorsque les lyonnais ont voulu honorer la mémoire d’Aimé Césaire, spontanément ils aient choisi de le faire devant ce monument.
"Cette loi nous semble juste..."
Notre combat pour la reconnaissance du génocide n’en est pas pour autant terminé :
Il faut encore que demain la négation du génocide soit punie par les lois et la justice de la République ! Comme nous avons été précurseurs pour la réalisation de ce monument au cœur de la cité nous porterons au Sénat cette proposition de loi parce qu’elle nous semble juste !
Il ne s'agit pas aujourd’hui de "dire l'Histoire". L'Histoire a été dite. Ce dont il est question, c'est d'empêcher sa négation.
Il y a des lois, en France, condamnant l'insulte et la diffamation. N'est-il pas primordial que la loi pénalise cette insulte absolue, cet outrage absolu qui consiste en les niant à tuer une deuxième fois les victimes du génocide de 1915.
Nous serons donc porteurs de cette proposition non par soif de revanche, non pour une quelconque volonté de nous opposer au peuple turc, mais parce que nous pensons au contraire comme le pensait le journaliste Hrant Dink que fondamentalement la question de la reconnaissance du génocide est au fond totalement lié au plein épanouissement des libertés dans ce pays.
Le vrai courage, c’est donc de s’engager avec fidélité et constance dans une voie même si elle est difficile, et non pas de tirer un trait sur un passé odieux qu’on voudrait progressivement faire sortir des mémoires.
Pour reprendre les termes de Bernard-Henri Lévy : "S’il faut une loi contre le négationnisme, c’est que le négationnisme est, au sens strict, le stade suprême du génocide". »
8 commentaires:
bonjour, je viens de lire votre post sur le génocide arménien que j'apprécie et comprend d'autant plus qu'une grande partie de ma famille a subi les pogromes. j'ai donc du mal à comprendre votre attitude timoré face au évenements tibétains.
PascalWilder
Je salue une fois de plus la justesse de vos propos et de votre position. La reconnaissance des souffrances et persécutions subies par le peuple arméniens est une des conditions sine quoi non pour permettre au peuple turc d'avancer clairement. Que dire de la lacheté de ceux qui ont vu et n'ont pas réagit? Que faier de ceux qui ont concourut à de telles abominations? Sortir des impasses passe nécessairement par l'identification et la qualification des acteurs, à un moment donné. C'est pas avec des lâches ou des aveugles qu'ont fait avancer le chmil-blik. S
j'approuve vos propos (comme quoi)
Juste une petite réflexion de ma part, l'entrée de la Turquie en Europe (que certains sohaitent) doit être conditionnée à la reconnaissance de ce génocide.
il est vraiment regrettable qu'une partie de l'UMP s'oppose au monument de la place de la charité,je trouve cela honteux
Personnellement, j'aime beaucoup ce que vous faites à Lyon, mais j'aime pas beaucoup votre accent. S
On n'est pas habitué à vous voir absent de votre blog si souvent...Fine?
La mémoire n'est pas une question de droite ou de gauche, c'est une question d'ensemble.
Il est regrettable qu'une maire-adjointe contestée par le milieu associatif continue à faire du sectarisme.
C'est une honte pour la capitale de la Résitance comme ce fut le cas lors de la journée de déportation.
Je suis tout à fait d'accord avec le message du 4 mai.
De quel droit on accepte au nom de la mémoire le communautarisme, sous quelque soit la forme : c'est une honte. A quand une adjointe compétente à la mémoire.....
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