jeudi 15 juillet 2010


Chers amis,

Mon blog est devenu un lien privilégié entre nous. Au fil des jours, il me permet de vous faire partager mes convictions, mes idées, mes humeurs mais aussi de vous informer de tout ce qui se passe dans la ville. Ce soir, je veux avoir une pensée pour mon ami Claude Bernardin qui nous a quittés dimanche. J'étais cet après-midi à ses obsèques en l'église Saint-Nizier, parmi sa famille et ses amis. Voici l'hommage que j'ai rendu à cet homme qui a marqué la pensée de la gauche en France et l'action de la gauche à Lyon.


"Claude Bernardin nous a quittés dimanche. En ces instants de recueillement, je pense à sa fille Régine, à son petit-fils Jean-Baptiste, à ses arrières petites-filles Prune et Adèle, qui faisaient sa joie. Je veux leur exprimer, en mon nom personnel et au nom de la Ville de Lyon, mes sincères condoléances. Pour nous tous, sa disparition est une perte immense. Pour moi, il était un ami, l’un de ceux qui a le plus compté dans mon parcours politique, mais aussi dans ma vie d’homme. C’est à ce titre que je veux aujourd’hui lui rendre hommage.


Le 6 novembre dernier, je remettais à Claude Bernardin la médaille de la ville de Lyon. Claude n’aimait pas les médailles, il n’aimait pas les honneurs. Mais je crois que cette médaille là, lui avait fait plaisir. D’abord parce qu’elle avait été l’occasion de réunir tous ses amis. Ensuite parce qu’elle avait rappelé à Claude ces années où il siégeait comme Président de groupe au Conseil municipal, des années qui pour lui avaient été, je crois, des années de bonheur. Car Claude aimait notre ville. Et il fallait voir avec quel sérieux il abordait la préparation du Conseil municipal. Pour beaucoup, être dans l’opposition permet la facilité, il n’y a pas besoin de connaître les dossiers, il suffit de voter contre en improvisant quelques mots pour justifier le vote. Tel n’était évidemment pas le cas de Claude. Avec lui, tous les dossiers étaient préparés minutieusement. C’était là évidemment l’école du cercle Tocqueville et de son bulletin, "En Bref".

Claude préparait même ses dossiers d’urbanisme en parcourant, le dimanche, les rues de Lyon pour être plus précis dans ses interventions du lundi. Claude m’a appris alors ce que c’était que de construire une pensée. Il m’a enseigné que la politique, c’était un d’abord un travail intellectuel.

Avec Claude, ma rencontre n’était pourtant pas allée de soi ! Nous appartenions à des générations différentes. Venu de la convention des Institutions Républicaines et donc de ce mitterrandisme avec lequel il avait toujours été en délicatesse, je ne connaissais rien de son passé, des liens qu’il avait noués pendant et après guerre avec les grands penseurs du personnalisme chrétien, avec celui notamment qui fut mon maître, Jean Lacroix. Je ne savais rien de l’action si courageuse et si déterminée qu’il avait menée pendant la guerre d’Algérie. Au congrès d’Epinay du Parti socialiste, nous nous trouvâmes dans deux camps opposés. Ce n’est qu’après, lorsque je décidai de militer sur Lyon au niveau local, que je découvris Claude.

Un homme d’abord fait de simplicité, de modestie. Quelquefois trop ! Dans une vie politique parfois pleine de rudesse, Claude n’était pas de ceux qui se battent pour prendre le pouvoir à tout prix. Il pensait qu’il devait s’imposer par une sorte de magister naturel. Et effectivement, ce magister s’imposait à celles et ceux qui étaient amenés à travailler avec lui. Petit à petit, au Conseil municipal de Lyon, nous nouâmes des liens d’amitié, de confiance et pour ma part, de respect. J’avais appris à connaître son parcours. J’avais découvert son engagement pendant la guerre dans le réseau "Alliance" de Marie- Madeleine Fourcade, la place qu’il avait occupée dans la Résistance intellectuelle chrétienne aux côtés de personnalités comme Emmanuel Mounier, Jean-Marie Domenach, Joseph Folliet, Jean Lacroix.

J’appris à connaître son combat courageux pendant la guerre d’Algérie, d’abord dans la défense de militants de l’indépendance, et dans la défense, par exemple, de l’Abbé Carteron, puis par son engagement pour dénoncer la torture. C’est en 1957 qu’il fonde avec Joseph Folliet le Comité lyonnais pour le respect des droits de la personne. Un an plus tard avec une vingtaine de personnalités lyonnaises. Avec Alban Vistel, il fonde le cercle Tocqueville. Pour lui, c’était un engagement définitif en politique qui, pour Claude, n’allait sans doute pas de soi. Car il venait par l’analyse intellectuelle, l’éthique, la morale, il goûtait peu l’âpreté des combats partisans.

Claude fit de la politique à son image. Pas de la politique politicienne mais une politique qui se voulait transformatrice de la société. En 1964, il organise les Assises de la démocratie à Vichy, qui marquent le rassemblement de ces cercles qui, au début des ces années 60, avaient symbolisé un véritable renouveau d’une pensée de Gauche. Puis ce sont, en 66, "les rencontres de Grenoble". Les organisateurs, Claude Bernardin, mais aussi Alain Savary, Pierre Bérégovoy, Jean Daniel, Jean-Marie Albertini et Michel Rocard, font se lever un véritable espoir à gauche. La suite, ce fut la création du Parti Socialiste avec Alain Savary, puis le nouveau Parti Socialiste avec François Mitterrand. La suite, ce fut notre combat commun. Un combat qui devait mener à la victoire de 2001.

Cette victoire, nous pouvons la dédier à Claude, car c’est lui qui, dans cette ville, avait été à la base du renouveau d’une pensée socialiste, qui lui avait donné ses lettres de noblesse, qui avait fait que par sa rigueur, par sa hauteur de vue, elle impressionnait,-y compris sur les bancs de la majorité de l’époque. C’est lui qui nous avait transmis le flambeau pour nous permettre d’aller plus loin encore, jusqu’à cet Hôtel de ville que nous avions un jour rêvé de gagner ensemble. Oui Claude Bernardin a marqué la pensée de la gauche en France, il a marqué l’action de la gauche à Lyon, nous sommes beaucoup ici à nous considérer un peu comme ses héritiers. Et si un jour cette mairie a basculé à gauche, si - je crois-, on a pu montrer qu’on pouvait, dans une ville, mener à la fois des politiques économiques puissantes, mais aussi construire une ville plus juste, plus humaine, qui permette la rencontre, qui fonde un vrai "vouloir vivre ensemble", c’est grandement à Claude Bernardin qu’on le doit.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

un grand homme. discret mais essentiel !

Anonyme a dit…

Bel hommage.

Anonyme a dit…

J'ai connu Maître Bernardin lors que je faisais partie à Lyon dans les années 62, de l'Union Féminine Civique et Sociale (UFCV) dont il était partenaire.
j'ai pu également et personnellement apprécier ses qualités d'avocat lorsque j'ai fait appel à ses services pour une affaire qui me concernait.
La ville de Lyon peut lui être reconnaissante de tous ses engagements civiques et humanistes.