" L’identité nationale ne se réduit pas à convoquer l’histoire "
Comme avant chaque campagne électorale, le président de la République s’empare du thème de l’identité nationale, qui serait menacée par l’intégrisme des uns et par le laxisme des autres.
Dans sa campagne présidentielle, et au travers de la plume d’Henri Guaino, Nicolas Sarkozy s'était déjà fait le chantre de cette France aux "mille clochers" qu'il serait urgent de défendre.
A un moment où, dans le pays, son action se trouve mise en cause (doutes sur l'efficacité, à court et à long terme, de la politique économique, inquiétude face à la volonté d'éliminer tous les contre-pouvoirs : justice, médias, collectivités locales), la défense de l'identité nationale est à l'évidence un bon moyen de brouiller le jeu. D'où l'offensive d'Eric Besson, immédiatement prolongée par le président en direction d'un secteur jusque-là favorable mais aujourd'hui en plein doute : le monde paysan. S'engageant ainsi, le président de la République fait coïncider identité nationale et enracinement dans le terroir, au risque de sembler répéter de douteuses antiennes : "La terre, elle, ne ment pas !" ...
" La nation n'est pas simplement donnée, mais construite... "
Le piège tendu à la gauche pourrait paraître grossier s'il n'y avait des doutes sur la capacité de celle-ci à prendre en compte des problématiques essentielles pour la vie quotidienne des Français : celle de la tranquillité publique, celle de la prise en compte de phénomènes migratoires accentués par une globalisation qui rapproche physiquement les pays en même temps qu'elle accroît les fractures qui existent entre eux. Faute d'avoir des positions affirmées sur ces problèmes, la gauche prête le flanc aux critiques d'angélisme, de laxisme, de complaisance avec les communautarismes ou, au contraire, de ringardisme républicain.
Nicolas Sarkozy peut donc espérer en tirer profit pour provoquer un réflexe de regroupement autour du chef, seul capable de défendre "la Nation".
Mais si, a contrario, la gauche se révélait désormais capable de prendre à bras-le-corps ces problématiques-là, elle aurait alors tout à gagner à engager un débat authentique sur l'identité nationale. Car, contrairement à l'idée développée par Nicolas Sarkozy, la nation n'est pas simplement donnée, mais construite. Certes, elle plonge ses racines dans l'histoire - dans toute l'histoire d'ailleurs, sombre ou glorieuse -, mais elle est aussi une volonté de tous les jours.
Pour que la nation puisse être perçue comme le bien commun de tous les Français, plus largement le bien commun de tous ceux qui résident sur notre sol, il faut d'abord qu'elle soit porteuse d'espoir. C'est dans la misère des banlieues, dans celle des quartiers désertés par l'Etat, que se développent les intégrismes, les fanatismes, le rejet de l'identité nationale.
" Bâtir le présent, inventer l'avenir... "
La France pourrait d'autant mieux relever ces défis qu'elle saurait présenter le visage d'un pays généreux, accueillant, terre d'une liberté qui résonne dans l'esprit des peuples du monde entier.
Maire de Lyon, président du Grand Lyon, je sais quelles sont les conditions pour forger entre tous une communauté de destin. Il faut que chacun, quelles que soient son origine, sa religion, son opinion philosophique, ait la conviction qu'il est également respecté, que les politiques publiques, économiques, sociales aient comme perspective ultime de faire que personne ne se sente laissé à l'écart de la réussite commune. C'est ce que j'essaie de faire dans notre agglomération. Et c'est pourquoi il y a aujourd'hui une fierté grandissante de se revendiquer "Lyonnais". C'est ce sentiment-là qu'il faut faire resurgir au niveau national.
Cela suppose que chacun soit persuadé que l'Etat lui offre, aujourd'hui, les mêmes chances de réussite, où qu'il habite, quels que soient son origine et son statut social. Que le gouvernement agisse ainsi, et la question de l'identité nationale se posera avec moins d'acuité ! C'est le doute, l'aigreur ou le désespoir qui corrodent et qui affaiblissent l'identité nationale.
Défendre l'identité française ne saurait donc se réduire à convoquer l'histoire. C'est le présent qu'il faut bâtir, c'est l'avenir qu'il faut inventer. Car c'est ainsi, au-delà des inévitables contradictions d'une société, que se réalisera un nouveau consensus national, que se dégagera une véritable volonté de vivre ensemble dans une nation qui aura retrouvé sens et perspective.
C'est sur ce terrain que ceux qui souhaitent ouvrir une vraie alternance doivent placer le débat de l'identité nationale. Pour cela, ils ne sauraient manquer d'audace.
A lire également en pages Rebonds du journal Libération daté de ce jour.
8 commentaires:
Avons nous besoin de nous identifier nationalement? Personnellement, j'ai toujours autant de problèmes a comprendre ce concept de vouloir s'identifier a une limitation géographique.
Oui, il faut dire que c'est un piège. Mais il faut aussi dénoncer un autre piège et M Collomb ne le fait qu'à moitié. Certes, la droite accuse sans cesse la gauche de laxisme mais faut-il, comme certains, y répondre par une surenchère sécuritaire sur l'ordre, y répondre par une surenchère sur des symboles superficiels?
M Collomb a raison de vouloir placer le débat ailleurs et d'affirmer que l'identité nationale que la droite de Sarkozy et Besson veut immuable, figée pour l'éternité dans leur définition étroite et sectaire, est en perpétuelle construction.
C'est d'ailleurs une des caractéristiques de la nation française: elle est politique et n'est en rien la patrie. Ainsi le prétendu débat visant en apparence à définir l'identité nationale mais en réalité à en imposer une définition réductrice, est vide de tout sens. Et même son existence est un contresens! L'identité nationale française est en perpétuelle construction, on ne peut la borner! Evidemment, cela dérange la droite qui a besoin de règles simples, simplistes plutôt.
Mr Collomb,
A bien vous lire, on trouve les formules plutôt adroites. Le littéraire a encore de beaux restes. Néanmoins le contenu laisse quelque peu à désirer. Personnellement, je dois bien vous dire que je suis restée un peu sur ma faim en arrivant au bout de votre tribune. Que préconisez vous au juste ? Pourquoi n'allez vous pas au bout de votre logique en disant clairement ce que vous-même proposeriez si vous étiez à la place de Mr Sarkozy ? D'ailleurs, on dit en ville que vous seriez courtisé par l'Élysée ! Vous verriez vous en ministre de l'identité nationale ? Et dans ce cas, feriez-vous comme Mr Besson ? Voyons, éclairez-nous un peu plus car je vous aime bien. Mais je n'y vois pas très clair dans votre ligne...
pour ou contre l'entrée de Rama Yade au PS ?
Comment va le meilleur maire de France? bien j'éspère, moi aussi, je vous aime bien, vos camarades devraient vous écouter et surtout vous entendre beaucoup plus, voyez le succès du vélib' dont vous avez été précurseur, je rejoins votre analyse en ce qui concerne le débat sur l'identité nationale, vous êtes clair, tranché sur le sujet, comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs, j'aime les socialistes lorsqu'ils réfléchissent ;
bonne journée
Pour ma part ,je suggérerai volontiers à cet anonyme de reprendre la phrase de Pierre Alain Muet l'autre jour dans le 9ème avec les habitants: "c'est peut être Eric Besson qui, on peut comprendre, a des problèmes d'identité".
Sûrement pas d'assimilation avec la trajectoire et les actions de Gérard COLLOMB !
Ce qui est sûr, c'est que le Président Sarkozy est maître dans un seul art, le débauchage individuel pour faire diversion, la seule réponse c'est de savoir où sont les valeurs essentielles qui fondent une action publique . En ce domaine ce qui parlent ce sont les actes posés à Lyon par les équipes de Gérard COLLOMB, elles ne manquent pas d'audace malgré les difficultés : groupement pour l'intégration dans la Ville, actions pour l'égalité des chances, attention portée à la mixité sociale, c'est pas vraiment ce que fait la droite à tous les niveaux!
Simone
L'identité nationale.... concept vain lorsqu'il s'agit pour certain de définir l'image d'UNE France, tout en qualifiant de problématique les différences : acculturation, assimilation, communautarisme etc les études et débats menées pour caractériser une tranche de la population française et qui ne font que creuser le fossé entre personnes issues de l'immigration, ces français qui devant leur TV peuvent assister aux débats... sur eux, qui si rarement ont voix au chapitre ! La France assumerait-elle mal ses erreurs pour s'adonnait si souvent à montrer du doigt ses enfants d'aujourd'hui?
Où sont-ils plutôt les enfants de la France d'hier, les enfants de 1789, les enfants de cette déclaration des droits de l'homme qui leurs chantait d'hier : Liberté, Egalité, Fraternité
En tout cas, ce ne sont pas les enfants de la France sarkozienne, qui divise et stigmatise...
Cette France d'aujourd'hui a tout a apprendre de celle d'hier
parce que malheureusement la France d'aujourd'hui ne s'assume pas, un déni de pauvreté quand la richesse de chaque différence veut s'épanouir et grandir, elle se trouve muselée par ce qui devient de plus en plus prégnant : l'autoritarisme et l'inéquité
"Et voici que deux civilisations me tiennent maintenant par la main. Elles aussi dialoguent contradictoirement par dessus ma tête et, au lieu de marcher en harmonie du même pas, je les sens divergentes. Mes bras se tendent dans l'écartèlement, aucune d'elle ne veut faire la concession qui me rendrait mon intégrité" Pierre Rabhi, du sahara aux cévennes
Les enfants/jeunes sont la Lumière de ce monde, alors laissez les briller, écoutez les, sans vouloir les contrôler ou les formater, car ce sont EUX qui ont en leur sein les réponses pour demain !
S
www.arretezcedebat.com/ !!!(pétition en ligne)
"Arrêtez ce débat, Monsieur le Président !
Depuis le 2 novembre 2009, la France a été entraînée, malgré elle, dans les tourments d’un débat sur l’identité nationale. De nombreuses voix s’étaient pourtant élevées pour avertir que le lien posé d’emblée entre l’immigration et l’identité nationale était de nature à libérer une parole au « mieux » stigmatisante, au pire raciste.
Malheureusement, ces prédictions apparaissent aujourd’hui se situer bien en-deçà d’une réalité inquiétante et nauséabonde. En effet, depuis plusieurs semaines, les débats sur l’identité nationale sont apparus comme des espaces de libération d’une parole raciste, prompte à remettre en cause, de façon insidieuse ou explicite, la légitimité de la présence sur le sol national de catégories entières de la population.
Un nombre substantiel de réunions nous font honte tant les propos qui y sont tenus heurtent nos consciences de républicains et de démocrates, attachés aux valeurs du vivre ensemble. Propos violents envers les immigrés et leurs enfants, vision caricaturale des « jeunes de banlieue », obsession autour de la figure du musulman comme euphémisation d’un racisme anti-arabe qui n’ose plus s’exprimer en ces termes : voilà quelles semblent être les principales réflexions qui émergent des réunions tenues sur le territoire.
Pire, des responsables politiques de premier plan ont cédé au tropisme de la stigmatisation. Ainsi, il y a quelques jours, une Ministre de la République, Nadine Morano, livrait en creux sa vision du musulman, essentialisé dans la position de celui qui refuse de s’intégrer à la Nation, fût-il français.
La technique consistant, face aux tollés soulevés par de tels propos, à expliquer que ces derniers ont été mal compris ne doit pas faire illusion. La preuve n’est plus à faire que le débat sur l’identité nationale, bien loin de renforcer l’adhésion aux valeurs de la République, est un facteur de haine et de désunion, là où notre pays devrait s’atteler à cultiver le vivre ensemble. Un vivre ensemble trop fragile pour qu’il soit affaibli à travers un débat qui, posé en ces termes, ne pouvait finalement rien produire d’autre.
Face à cette réalité qu’il est inutile de vouloir camoufler, il est tout aussi inutile de sortir la carte du « peuple dont l’expression est légitime ». Car, dans notre pays comme dans toutes les grandes démocraties, le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. À cet égard, les propos racistes tenus dans des réunions organisées par les préfectures sont d’autant plus graves que l’Etat vient apposer sa légitimité à l’expression de pensées qui n’ont pas lieu d’être dans l’espace public.
C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président de la République, de mettre un terme à ces réunions, sans quoi la République française que vous représentez aura fait le choix de laisser se tenir en son sein et avec son assentiment un débat de nature à briser durablement les fondements de notre vivre ensemble."
S
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