mercredi 11 mars 2009

Tribune


" La ville, pivot de la réforme territoriale "



Le débat en cours sur le devenir de nos structures territoriales constitue un enjeu crucial pour l'avenir de notre pays.


Il serait dommageable qu'il soit dévoyé par des arrière-pensées électorales qui viseraient à gagner par un changement de la loi ce qu'on craindrait de perdre dans les urnes.

Sur ce point, le mode d'élection pour les conseils régionaux retenu par le président de la République est capital. Si l'on change un type de scrutin qui favorise aujourd'hui la mise en place de stratégies globales et cohérentes au profit d'une fédération de "supercantons" qui aura les effets inverses, c'est la preuve que l'on est loin des ambitions prétendument affichées. Les tenants du statu quo s'en trouveraient nécessairement renforcés.


Or, aujourd'hui, nous avons besoin d'un vrai changement. Tout simplement parce que notre pays a changé, parce que l'Europe aussi a changé.

Pour qu'une réforme soit possible, il faut dépasser les querelles idéologiques pour s'attacher à prendre en compte la réalité socio-économique de nos territoires. Cela suppose de ne pas vouloir une organisation territoriale uniforme. De ce point de vue, les questions des regroupements des régions et des départements doivent être abordées de manière pragmatique. Certaines régions ont la taille pertinente et elles correspondent à une culture commune. D'autres régions pourraient en revanche être utilement regroupées. Concernant les départements, dans les zones rurales et sur les territoires où il n'existe que des villes de petite taille, ils doivent continuer à être des pivots de la vie locale. En revanche, leur existence ne va pas de soi dans les grandes zones urbaines.

La vraie question qui détermine toutes les autres est l'émergence, en ce début du 21e siècle, du fait urbain.

Partout, les villes apparaissent comme des éléments clés de notre avenir. C'est là que se concentrent les ressources humaines, que se crée la richesse économique, que se réalise l'innovation scientifique et culturelle. C'est là aussi, hélas, que s'inscrivent les phénomènes de ségrégation et de rupture sociales.
Ce phénomène, qu'on peut constater aussi dans les villes moyennes qui désormais rayonnent sur un large territoire, rend caduque l'opposition traditionnelle ville-campagne. L'intercommunalité a été une réponse à cette réalité.

Tout en conservant l'échelon de la commune à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attachés, communautés urbaines et communautés d'agglomération ont permis d'apporter des solutions à la bonne échelle, en matière économique, de politique du logement, d'équilibre territorial ou de création de grands événements culturels ou sportifs.
Cependant, il n'y a plus aujourd'hui de coïncidence entre leurs limites institutionnelles et leur réalité socio-économique.

Pour répondre aux attentes des concitoyens dans leur vie quotidienne, comme à celles des entreprises, ces limites doivent être aujourd'hui repensées à l'échelle du bassin de vie.
La question de leurs compétences doit également être posée. Pour les agglomérations dont la population représente une part significative du département, il semble évident qu'elles devraient assurer sur leur territoire, avec leurs compétences propres, également celles du département, notamment en matière sociale. Car, en matière de logement par exemple, ces compétences sont très complémentaires. Certaines de ces compétences nouvelles pourraient d'ailleurs être déconcentrées au niveau des territoires qui forment la communauté urbaine suivant un principe de subsidiarité.

Certaines propositions du rapport Balladur vont dans ce sens.

Le Président de la République a affirmé sa volonté de faire des agglomérations des acteurs majeurs de la société française, en renforçant leurs compétences et leur périmètre. C'est là la prise en compte d'une position que je défends depuis toujours.
À partir du moment où il y aurait extension du périmètre et des compétences des communautés urbaines, on voit mal comment leurs élus pourraient continuer à être désignés au second degré.

Il faut donc une élection au suffrage universel.
Toutefois, dans l'attente du projet de loi, j'exprime de fortes réserves quant au mode d'élection des élus des intercommunalités défini par le rapport Balladur, et me félicite des propos du président de la République, qui renvoie cette question complexe au débat et au processus de concertation avec les associations d'élus.

Le scrutin doit viser à conserver un lien avec le territoire. Il pourrait donc s'organiser sur la base des communes lorsqu'elles sont de taille importante, au niveau d'un regroupement de communes pour les autres, sur une liste distincte de celle des municipales pour garantir un réel débat démocratique sur les enjeux d'agglomération.


Cela étant, toutes ces propositions ne traitent toujours pas la question de la compétition avec les métropoles européennes. Une des leçons que j'ai tirées de la présidence des Eurocités, c'est que les onze métropoles retenues par le comité Balladur puissent soutenir la comparaison avec Barcelone, Milan, Manchester, Francfort, Munich et Turin. Le phénomène métropolitain suppose une autre dimension.


Voilà pourquoi, nous devons aller au-delà du renforcement des onze grandes agglomérations françaises visées dans le rapport.


Nous devons concevoir des entités métropolitaines à une échelle plus large, de manière à pouvoir supporter la comparaison avec ces grandes villes européennes.
C'est à ce niveau-là en effet que se pose de manière pertinente un aménagement durable du territoire qui concentre développement de l'habitat et de l'économie autour des grands axes de transports en commun, tout en permettant de préserver les espaces agricoles ou naturels péri ou intra-urbains. Cette construction métropolitaine doit être faite sur la base de l'expérimentation et du volontariat. En effet, la réussite d'une telle démarche doit se fonder sur l'adhésion de tous.

Enfin, j'insiste sur la nécessité de garder un impôt économique en lien avec le territoire.

Il doit permettre aux nouvelles collectivités d'avoir des ressources pérennes d'un niveau équivalent à la taxe professionnelle. Aussi, je note que le président de la République s'engage sur la garantie de l'autonomie financière des collectivités locales et la compensation intégrale de la perte pour les collectivités de la suppression de la part de la taxe professionnelle sur les investissements.
Depuis les lois Defferre sur la décentralisation et la loi Chevènement sur l'intercommunalité, le fait urbain a été superbement ignoré.

La loi Raffarin l'a uniquement abordée sous l'angle de l'aide à la pierre. Le chantier qui s'ouvre peut donc être majeur. Il suppose pour réussir que puissent s'y trouver réunies à la fois une vision ambitieuse du territoire mais aussi la prise en compte de sa diversité. C'est ainsi que l'on pourra se donner les moyens d'une croissance supplémentaire comme d'une meilleure qualité de vie pour les Français.


C'est pourquoi j'ai demandé, au titre de président de l'Association des Communautés Urbaines de France, à être reçu par le Président de la République pour lui faire part de notre réflexion sur un sujet fondamental pour l'avenir de notre pays. Tout comme l'ensemble des associations d'élus, nous demandons à être associés à une concertation réelle.




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