" Gérard Collomb, avocat des villes-métropoles "
Voici l'interview que j'ai donné au journal Les Echos aujourd'hui en kiosque. Bonne lecture à tous !
Lyon accueille aujourd'hui le Comité interministériel d'aménagement du territoire où seront présentés les projets détaillés du plan de relance. Qu'en attendez-vous ?
Les collectivités locales doivent pouvoir mener des plans de relance. Pour les y inciter, le gouvernement aurait déjà pu adopter une mesure simple : augmenter leur dotation globale de fonctionnement, le principal concours de l'Etat. Au lieu de cela, le remboursement de la TVA sur leurs investissements a été fondu dans l'enveloppe de ces dotations, provoquant leur baisse. Celles du Grand Lyon évoluent de façon légèrement positive, mais, pour la ville de Lyon, la modification des règles d'attributions qui prévalaient jusqu'en 2008 nous a fait perdre 3 millions d'euros. Le remboursement anticipé d'un an de la TVA s'adresse aux collectivités qui investiront plus en 2009 que sur la moyenne des années 2005 à 2008. Elles seront peu nombreuses dans ce cas, car ces années correspondent à des pics d'investissement, ceux de la fin de la mandature passée. Il sera difficile de les dépasser.
Quels projets lyonnais ont besoin du plan de relance ?
Nous avons été obligés d'étaler la réalisation de REAL, le futur RER lyonnais connecté aux tramway et métro. Sur les transports en commun, l'Etat n'accompagne plus que très faiblement l'investissement des collectivités. Si on m'annonce de l'argent demain, je prolonge, comme prévu initialement, le métro au-delà d'Oullins, jusqu'au pôle Sud hospitalier et d'enseignement supérieur. De même, j'accélère la réalisation de nouvelles lignes de tram et de bus en site propre. Le niveau d'investissement du Syndicat des transports en commun de l'agglomération sur la mandature est de 1,1 milliard d'euros, soit 200 millions par an. On peut très bien passer à 250 millions si l'Etat nous accorde 20 millions. Car on pourra jouer sur le levier de l'emprunt.
Quelles sont les autres priorités ?
Les besoins de logements sur l'agglomération sont importants, en particulier de logements sociaux. Pourtant, nous sommes parmi ceux qui ont fait le plus d'efforts ces dernières années. Notre plan de rénovation urbaine pourrait également être accéléré si on nous donne des crédits. La situation difficile à laquelle est confrontée l'Agence nationale de rénovation urbaine l'a contrainte à retarder un certain nombre de paiements. Dans la mesure où l'on nous donne le top de départ, on peut lancer dès 2009 un certain nombre d'opérations. Et quand nous mettons 1 euro, nous induisons 2 à 3 euros d'investissements privés. Entre le Grand Lyon, le Sytral et la ville, nous avons programmé pas loin de 4 milliards d'investissements publics sur cette mandature.
Le comité Balladur sur la réforme territoriale réfléchit à de grandes agglomérations. Qu'en pensez-vous ?
Il faut conforter les communautés urbaines, qui sont la forme la plus intégrée de l'intercommunalité, au sein desquelles nous devons faire émerger cinq ou six grandes agglomérations à l'échelle européenne.
Cette volonté de forger des métropoles qui pèseront dans l'Europe de demain existe déjà dans d'autres pays : le Grand Barcelone en Espagne, la région urbaine de Manchester en Angleterre. C'est ce à quoi nous nous employons à Lyon. La notion de territoire partenaire, que j'avais réussi à faire figurer dans la loi Raffarin, a permis de lancer une coopération avec Saint-Etienne et avec la communauté d'agglomération des Pays isérois. Mais c'est un peu empirique. Tant mieux si un accompagnement législatif peut nous aider à construire une grande métropole.
N'y a-t-il pas risque de conflit avec les départements ?
Il faudra forcément abattre quelques frontières, en particulier départementales. Pensez que l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry empiète sur trois départements ! Cela ne facilite pas la prise de décision. La réforme qui s'impose ne doit pas déboucher nécessairement sur de nouveaux découpages uniformes. Le département est l'échelon pertinent pour les territoires ruraux, à l'inverse du Rhône, dont 77 % de la population habite la Communauté urbaine de Lyon. Ici, le département n'est pas l'échelon pertinent. Son président lui-même le dit.
Il ne faudrait pas non plus que cette réforme coïncide avec des visées électoralistes de court terme. Comme se servir du projet de couplage département-région pour modifier les modes de scrutin - proportionnel dans les grandes villes, au suffrage uninominal dans des cantons ruraux redessinés - et changer les majorités dans les régions.
Quelles devraient être les compétences de ces métropoles ?
Outre celles des communautés urbaines actuelles, c'est-à-dire tout ce qui a trait au droit des sols, elles doivent disposer de compétences élargies en matière de transports. Tout ce qui relève de la planification urbaine et du logement doit leur revenir. A elles également d'exercer les compétences départementales sur leur territoire. Je pense aux routes, mais aussi au social, en particulier au RMI, à la politique de la ville. Dans le champ de l'économie, les métropoles doivent pouvoir initier un certain nombre d'actions que les régions pourront généraliser avec des capacités d'investissement bien plus importantes. Un peu à l'image de ce qui s'est passé avec les pôles de compétitivité. Le Grand Lyon a su très tôt mettre autour de la table universitaires, chercheurs, entrepreneurs...
Etes-vous favorable à l'élection au suffrage universel direct des élus des métropoles ?
Oui. Au Grand Lyon, nous avons déjà un peu anticipé en ce sens en créant des conférences des maires. Ces structures présidées par un maire travaillent au développement d'un territoire de plusieurs communes. Les services de la communauté agissent en liaison avec elles. Dans le même esprit, on pourrait imaginer que des circonscriptions représentent ces territoires dans la communauté urbaine en prenant relativement en compte leur poids démographique.
Pensez-vous que cette réforme puisse aboutir ?
Je ne sais pas, mais si on veut que ça marche il ne faut pas chercher à imposer le même modèle en Lozère et dans le Rhône. Il faut peut-être aussi y mettre du droit à l'expérimentation pour faire avancer des solutions au niveau local. Le développement de certaines métropoles peut nécessiter le dépassement de frontières nationales. On ne pourra trouver certaines solutions institutionnelles qu'en partant des réalités vécues des territoires et de leur analyse.
L'Etat doit-il transférer de nouvelles compétences ?
Aujourd'hui, nous avons ce qu'il nous faut. Le problème est ailleurs : il nous manque les capacités fiscales. Toutes les réformes touchant à la fiscalité menées ces dernières années, aussi bien par la gauche que par la droite, ont débouché sur des dotations de compensation que les gouvernements font évoluer à leur gré. Au bout du compte, nos recettes ont subi une diminution extrêmement forte. Et il est question aujourd'hui de supprimer ce qui reste de la taxe professionnelle. Que va-t-on laisser à la Communauté urbaine de Lyon, qui applique la taxe professionnelle unique ? Il faut conserver le lien fiscal entre les entreprises et les collectivités locales.
Comment expliquez-vous l'absence de position tranchée du PS sur la réforme territoriale ?
C'est un problème, j'en conviens, mais pas plus au PS qu'ailleurs. Le débat se joue au niveau des grandes associations d'élus. Chacun défend ses intérêts propres, ceux de sa catégorie de collectivité. Pour dépasser cela, il ne faut pas traiter tout le monde de la même manière. Encore une fois, autant les plus grandes villes peuvent avoir envie - et je le comprends - de se passer des départements, autant leur suppression n'a pas de sens ailleurs.
Cette approche est-elle largement partagée au sein du PS ?
La Ligne claire, notre contribution au Congrès de Reims, défendait une vision de la société marquée par cette réalité urbaine, d'autant plus importante à prendre en compte dans une réforme territoriale qu'elle est à la croisée des grandes problématiques économique, sociale et environnementale. Nous, élus socialistes, voyons bien dans nos agglomérations que nous sommes porteurs de l'innovation, des « clean-tech », de la relation avec les entreprises, de l'équilibre social. Qu'il s'agisse de faire du logement social, de rééquilibrer les quartiers, les communes, de faire des métropoles durables. C'est cette triple problématique qui guidait notre démarche.
Que reste-t-il de cette réflexion ?
Pour le moment, un conseil des territoires... On verra comment il va être porté dans l'avenir. Il n'a pas encore une grande réalité. Je souhaite que le PS amplifie les niveaux de discussion et qu'il y ait un débat en profondeur. Le PS a quand même le temps de mener la discussion et de conduire rapidement une convention thématique sur ces réalités territoriales.
Au Congrès de Reims, vous avez défendu la même motion que Ségolène Royal. Comment vivez-vous d'être dans la minorité ?
Avec Jean-Noël Guérini, Vincent Feltesse et Manuel Valls, notre position est toujours la même : nous souhaitons qu'émerge une ligne social-réformiste. Nous continuons à défendre cette voie qui transcende les courants. Nous ne ferons rien qui puisse nuire à Martine Aubry, mais cela ne nous empêche pas de défendre nos positions. J'ai souvent été minoritaire dans ma vie au PS et cela ne m'a pas empêché de vivre et de réussir...
Votre courant semble se structurer sans Ségolène Royal, véritable électron libre. Comment travaillez-vous avec elle ?
Ségolène Royal est dans une posture de candidate à la prochaine présidentielle. Elle n'existerait plus si elle n'avait pas cette attitude. Notre courant s'est fabriqué non pas derrière, mais avec un leader. Nous lui reconnaissons une sensibilité à l'opinion publique très forte. Nous, nous sommes davantage dans la recherche d'un projet de fond. Par exemple, ce que peut être une social-démocratie dans une économie mondialisée.
Comment jugez-vous les premières semaines de Martine Aubry à la tête du PS ?
C'est une femme de caractère. Je ne doute pas qu'elle puisse s'affirmer. Son souci est que sa majorité n'est pas cohérente. De notre côté, nous n'avons pas vocation à rester dans la minorité. Ce qui nous intéresse, c'est que nos idées soient prises en compte. Nous sommes ouverts à d'éventuelles propositions de la direction actuelle du parti.
5 commentaires:
Parfair, sauf que l'état d'esprit de Ségolène Royal ne colle pas, selon moi, avec celle de la ligne claire. Elle a eu son moment, et son problème, c'est justement qu'elle ne pense qu'à ça : être présidente ! Sa cote de popularité va continuer a baisser, parce qu'au fond, elle met sa personne/sa fonction avant les valeurs/projets, d'où ses crises de narcissisme et de "moi je". Elle me semble trop ancrée dans les relations de pouvoir/domination, au lieu d'Etre dans le jeu d'équipe porteur. Perso, je préfére les gens qui disent "nous, moi ou un autre".
2012 c'est demain, alors j'espère que le PS saura dénicher la ou le candidat charismatique du rassemblement et du renouveau. S
Fillon à Lyon avec son gouvernement pour annoncer les 1000 projets qui vont relancer la France : c'est bien la preuve que Lyon est la ville où il faut être pôur annoncer les projets d'avenir !!! bravo GG
Julien
M. Collomb,
Bravo pour votre dernière réponse sur le PS. Je suis tout à fait sur la même ligne que vous. Il faut une direction claire pour les socialistes et ce n'est pas l'équipe actuelle, totalement incohérente, qui peut incarner cet avenir. Bon courage.
Alain J.
J'avais rater ce passage. Il conforte ce que je pense à propos des visions clairement hégémoniques de Gérard Collomb sur les territoires voisins du Grand Lyon. Ici, il laisse entendre que la commission Balladur va permettre de construire une métropole administrative centrée sur le Grand Lyon, incluant la région stéphanoise. C'est la raison pour laquelle il utilise en comparaison le Grand Barcelone ou la région urbaine de Manchester. Mais la réalité de ces villes étrangères est complètement différente, et ce dernier ne voit en la voisine stéphanoise que la seule possibilité pour Lyon d'atteindre une taille critique rapidement, tout en faisant sauter le verrou ligérien et ainsi, mettre un terme à l'existence de Saint-Etienne en tant que ville, donc de concurrente dans certains domaines. Sa nouvelle vocation ? Non pas un des pôles structurants d'une région urbaine à deux têtes, mais une espèce de ville-nouvelle sans âme et ne possédant plus aucun pouvoir décisionnel puisque bien évidemment une métropole unique entraînera la création d'un siège au coeur de la plus grande des deux cités.
Comment ne pas oser annoncer alors que les stéphanois seront souillés de leur substance voire encore plus exclus qu'aujourd'hui quand les fonctions métropolitaines actuelles dont ils jouissent seront transférées à Lyon ? Ce nouveau pouvoir administratif, qui pourrait évoluer vers un concept nouveau de gestion duale, sera en fait calqué sur le modèle centralisateur parisien, nécessitant des trajets vers la nouvelle ville-centre d'une soixantaine de kilomètres, alors que cette dernière n'est techniquement qu'un maillon d'une conurbation disparate qui s'étend sur un espace beaucoup trop vaste pour être uni par des lois communes.
Les plus lâches sont dans tout cela les élus de Saint-Etienne Métropole, à commencer par son président qui prend davantage de temps à solder ses administrés au voisin lyonnais, sans même avoir ne serait-ce qu'une seule fois depuis qu'il a été élu lancer le débat d'une fusion des EPCI de la Plaine du Forez avec celui de Saint-Etienne.
Tiens, on dirait que Boibz a encore frappé...
Gérard Collomb ne parle pas d'annexer Saint-Etienne, rassure-toi.
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