mercredi 8 février 2012

Forum francophone préparatoire à Rio+20

Solidarité, humanisme et diversité culturelle ... "


Lyon est aujourd'hui et demain la ville hôte du Forum francophone préparatoire à Rio+20. Je vous livre le discours que j'ai prononcé ce matin dans les salons de la mairie de Lyon.

" La Francophonie, disait Léopold Sédar Senghor, c’est "la volonté de s’enrichir de nos différences pour converger vers l’universel ". Au-delà même d’une communauté linguistique, il voulait voir dans la Francophonie une communauté de valeurs autour de cet humanisme intégral capable seule, selon lui de répondre aux nouveaux défis qui sont posés à l’Humanité. Une communauté de destin, tournée vers un avenir commun, c’est ce que nous représentons aujourd’hui. Une communauté que je suis honoré d’accueillir ce matin, dans les salons de l’Hôtel de Ville, à l’occasion du Forum préparatoire à Rio +20.


La solidarité, l’humanisme, la diversité culturelle : ces valeurs qui sont au cœur du projet francophone sont aussi des marqueurs de l’histoire et de l’identité lyonnaises. Elles sont, pour ce qui me concerne, le socle de mon engagement personnel. 

C’est pourquoi, Monsieur le Secrétaire Général, j’ai toujours souhaité que Lyon soit un acteur toujours plus fort de la Francophonie. 

De nombreux organismes francophones ont trouvé à Lyon un berceau accueillant : l’Institut pour l’Étude de la Francophonie et de la mondialisation (IFRAMOND), le Secrétariat Général du réseau des chaires Senghor, l’Association Internationale des Régions francophones se sont installés dans notre Cité.

En 2008, nous inaugurions ensemble la Maison de la Francophonie : un moment fort, qui signait pour moi la concrétisation de l’engagement de la ville. Dans les années à venir, l’Organisation Internationale de la Francophonie s’inscrira même dans un des lieux les plus emblématiques de l’espace public lyonnais, les Rives de Saône, à travers l’œuvre d’un artiste béninois, Meschac Gaba, qui y représentera les blasons des pays membres.  

Car je souhaite que Lyon l’Humaniste, ainsi que l’on appelle parfois notre ville, puisse être aussi identifiée comme Lyon la Francophone. Et c’est vrai que notre agglomération participe à de très nombreux projets de coopération décentralisée avec d’autres villes francophones.

Je pense à Ouagadougou où l’Agence d’Urbanisme de Lyon a travaillé avec les services Burkinabés à l’élaboration du premier Agenda 21 adopté par une ville d’Afrique, où la collaboration se poursuit aujourd’hui autour de la formation des Elus et des fonctionnaires autour de la planification urbaine, où nous coopérons au quotidien pour ce qui est de la gestion de tous les services urbains.   

Je pense à Rabat, où les services du Syndicat des Transports de l’Agglomération Lyonnaise ont accompagné la ville dans la mise en place d’un plan global de déplacements urbains et la création d’une Autorité Organisatrice des Transports. Là encore, l’enjeu est de taille : éviter la pollution atmosphérique et la congestion urbaine propre aux villes en croissance. 

Je pense à Madagascar, où dans la région Haute Matsiara, la communauté urbaine partage son expertise en matière de gestion et d’accès à l’eau potable. Avec l’aide financière de l’Union Européenne, nous apportons ainsi notre concours à l’un des objectifs du Millénaire formulés en 2002 Johannesburg : réduire de moitié la part des populations n’ayant pas accès à l’eau potable d’ici 2015. 

Ces exemples en témoignent mais je pourrais en citer bien d’autres : à Lyon, nous considérons la Francophonie comme un espace de solidarité. Un espace où les diversités sont respectées, où les cultures des uns et des autres savent dialoguer ensemble. Un espace où de l’action commune émerge une dynamique de progrès.

A l’aube de Rio +20, je crois que ces principes méritent d’être rappelés. Il y a vingt ans en effet, la communauté internationale formulait à Rio des intentions universelles, proches de cet humanisme intégral senghorien. Reprenant les piliers du rapport Gro Brundtland, les États reconnaissaient leur "responsabilité collective mais différenciée", pour promouvoir sur tous les continents, dans tous les territoires, le développement durable. 

Ces engagements n’ont pas été sans résultats. La mise en œuvre de l’Agenda 21, les trois conventions des Nations Unies – sur la biodiversité, le changement climatique, la lutte contre la désertification, – et finalement l’adoption du protocole de Kyoto, sont à ranger, incontestablement, parmi les succès portés par le Sommet de Rio. 

Pourtant, malgré cela, la situation de la planète est plus inquiétante aujourd’hui que jamais, car les intentions affichées ne se sont pas toujours hélas traduites dans les actes. La biodiversité s’érode. La pauvreté dans le monde reprend une tendance à la hausse. Les inégalités augmentent. Quant à la crise économique, elle a pour effet de nous faire trop souvent oublier que les experts du GIEEC – Groupement Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du Climat – doutent de plus en plus de notre capacité à limiter l’augmentation de la température du globe à 2 degrés d’ici 2100. 

Or au-delà, nous nous éloignons, nous le savons bien, de ce principe central énoncé en son temps par un Lyonnais visionnaire, l’écrivain Antoine de Saint Exupéry qui écrivait, célèbre phrase que nous connaissons tous : "Nous n'avons pas hérité la Terre de nos ancêtres, mais l'empruntons à nos enfants.Il nous faut donc agir. Et vite. Ne surtout pas considérer cet anniversaire comme un retour vers le passé, comme une commémoration, mais comme l’occasion d’un nouveau départ pour construire, pour transmettre à la génération suivante, une planète vivable. 

L’un des deux thèmes de la conférence Rio+20 sera celui l’économie verte. Elle constitue évidemment une part de la solution. Porteuse de nombreux emplois et d’une révolution dans notre façon de concevoir les ressources naturelles et énergétiques, elle est aussi un formidable levier d’innovation et de croissance.

Mais pour nous, francophones, l’économie verte se doit aussi d’être une économie équitable. Il faut faire en sorte que les emplois verts qui germent dans des secteurs comme l’eau ou le recyclage des déchets, correspondent aussi progressivement aux objectifs du Millénaire autour du travail décent. Car la croissance économique ne peut avoir pour finalité que l’amélioration des conditions de vie des peuples et notamment des populations les plus défavorisées. 

Mesdames et Messieurs,
Cette volonté-là, notre volonté, risque cependant de rester lettre morte tant qu’il n’y aura pas une institution légitime pour la porter et  concrétiser. La communauté internationale, pour cela, doit créer un lieu, une agence unique. 

Un lieu qui s’adosserait à une expertise scientifique forte, produisant des scénarios prospectifs sur l’évolution du climat. Un lieu où les États, les collectivités locales, la société civile, pourraient à la fois échanger les bonnes pratiques, arbitrer les conflits autour de l’accès aux ressources naturelles, et s’exprimer à égalité, sur le principe un Etat, une voix. Un lieu universel qui serait, au fond, la voix de la planète. 

A partir du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), il est urgent de faire surgir une Organisation Mondiale de l’Environnement  qui serait la garantie du traitement global d’un enjeu global. 

Ce serait le lieu de la solidarité. De la solidarité entre les peuples du monde, de la solidarité entre les générations, pour la préservation de la planète.

Car on ne saurait comprendre que communauté internationale si attentive par exemple à la protection de la liberté commerciale ne soit pas à même de veiller à la protection de la planète.

Dans le document qui servira de base aux négociations, nous sommes pourtant encore loin du compte. Cet idéal de gouvernance universelle, la France essaie de la promouvoir depuis de longues années. Aujourd’hui, aux côtés de la France, aux côtés de l’Union Européenne, la Francophonie a, je crois, un rôle stratégique à jouer. 

L’engagement historique de la Francophonie pour le développement durable est en effet reconnu par tous. Dès 1986, à Versailles, avant le rapport Brundtland, le premier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ayant en commun l’usage du Français identifiait l’énergie comme un champ prioritaire d’intervention. En 1991, la Conférence de Tunis adoptait une stratégie de coopération en matière environnementale dans l’espace francophone, qui a largement nourri le sommet de Rio et l’adoption de l’Agenda 21. En 1994, les États francophones prenaient une grande responsabilité dans l’adoption de la  convention sur la lutte contre la désertification. 

Cette Histoire nourrit aujourd’hui l’excellence environnementale de la Francophonie. 

L’Institut de l’Énergie des Pays ayant en commun l’usage du Français (IEPF) constitue par exemple une référence internationale. Sur les principes de la déclaration de Tunis, il organise la coopération entre les Etats et les collectivités locales francophones, forme chaque année des centaines de personnes aux politiques de développement environnemental et accompagne la mise en œuvre des plans nationaux de développement durable. 

Mediaterre, lancé à Johannesburg, est un système d’information sur le développement durable qualifié en 2003 de remarquable, par les Nations Unies. Il renforce chaque jour les capacités des acteurs nationaux et locaux, notamment des pays du Sud.

Par cette expertise et parce que, comme l’écrit Mireille Delmas-Marty, professeure au Collège de France, "L'enracinement dans une culture peut permettre un accès à l'universel", l’Organisation Internationale de la Francophonie peut jouer une musique singulière et peut-être déterminante dans le concert des Nations de Rio. 

Car ce rêve d’une gouvernance universelle que j’évoquais, je crois, qu’au fond, elle l’incarne. Elle l’incarne en faisant la part belle à l’égalité entre les pays au sein du Sommet Francophone. Elle l’incarne en s’appuyant sur les experts, les scientifiques, et en considérant que la formation, l’éducation, constituent un levier essentiel pour résoudre les problèmes. Elle l’incarne enfin, Monsieur le Secrétaire Général, à travers son soutien permanent à la société civile dans les négociations internationales et en donnant voix au chapitre aux collectivités locales, avec l’Association Internationale des Maires Francophones.

Ce soutien est essentiel car les villes deviennent de plus en plus, aux côtés des États, des acteurs incontournables du développement durable. Dans les ateliers de ce forum, leurs intervenants ont tenu et tiendront d’ailleurs toute leur place, aux côtés des pays du Nord et du pays du Sud. Avec 50% de la population mondiale, 75% des émissions de gaz à effet de serre et des ressources naturelles consommées, les villes sont à l’origine de la crise climatique. Mais elles sont aussi, c’est ma conviction profonde, porteuses des solutions qui leur permettront de maîtriser leur développement. 

Certes, les problématiques sont souvent différentes selon les pays. Mais au Nord comme au Sud, les enjeux écologiques autour de la planification urbaine, des transports en commun, de la gestion des déchets, de la distribution de l’eau placent les villes en position stratégique. La préservation des espaces agricoles, la gestion durable des forêts, thèmes majeurs qui vont occuper une grande partie de ce Forum, sont également pour nous, Maires, des préoccupations constantes. 

Si les villes ont à gérer le présent, elles sont aussi les lieux où s’inventent les solutions de l’avenir. Je le vois bien à Lyon, où dans nos pôles de compétitivité, nous travaillons sur le transport d’énergie à longue distance, les molécules de dépollution de l’eau, le captage du carbone, la réalisation de matériaux 100% recyclables, des procédés d’éco-construction.  

Mesdames et Messieurs,
Au fond, les villes sont à la fois le risque et la chance. Il nous faut continuer à écouter leur point de vue, à regarder leurs pratiques. Il nous faut porter à Rio ce modèle d’une gouvernance à la fois unie, solidaire et ouverte. Ce modèle, c’est celui de la francophonie. Ce modèle, c’est notre force. C’est par lui que nous réussirons à construire ce que, visionnaire, Léopold Sédar Senghor appelait de ses vœux, "Un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à la mesure de l’homme et à celle du cosmos"." 

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