mardi 3 janvier 2012

Voeux aux Corps constitués


" Inventer un nouveau modèle ... "

C’est pour moi, comme chaque année, une joie de vous recevoir dans ces salons de l’Hôtel de Ville, pour cette traditionnelle cérémonie de vœux aux Corps Constitués.

Cérémonie traditionnelle mais, on le verra surtout dans la deuxième partie de la soirée, cérémonie que nous voulons empreinte de cordialité et d’amitié, conforme à cet esprit lyonnais que découvrent celles et ceux d’entre vous qui viennent d’arriver dans notre Cité. 

A chacune et à chacun d’entre vous, je veux, en ce deuxième jour de l’année, vous présenter mes vœux de bonheur personnel, de réussite professionnelle et de succès dans les missions qui sont les vôtres.


Chaque année est évidemment particulière. L’an dernier, à la même époque, c’est l’autre côté de la méditerranée qui attirait notre attention au moment où commençaient ces manifestations qui allaient entraîner ce qu’on a appelé depuis le « Printemps arabe », porteur, nous l’espérons tous, d’un avenir démocratique pour des peuples qui nous sont chers. 

Oui ! Une page de l’histoire était en train de s’écrire en ce début d’année 2011. 

C’est sans doute une page de l’histoire qui va s’écrire en 2012. 

Avec les élections américaines bien sûr, mais aussi chez nous, avec les élections présidentielles et législatives. Cette année, c’est nous qui aurons à décider de notre propre avenir, à dire quel futur nous souhaitons pour nous, pour nos enfants.

Bien sûr, les candidats vont s’exprimer. Ils diront la façon dont ils voient l’avenir de la France ; la France dans son modèle économique, social ; la France dans son rapport à l’Europe, dans son rapport au monde. Chacun d’entre nous votera alors en son âme et conscience. 

Mais au-delà même de ce vote, il nous appartient, à chacun en particulier,  d’avoir à nous interroger pour savoir dans quelle société nous voulons vivre et quelles actions il nous faut accomplir pour y parvenir. 

Nous savons, même si c’est encore de manière confuse, que l’avenir qui se dessine ne saurait être la répétition des modèles du passé. 

Car même si le passé met longtemps à mourir, nous voyons bien qu’un certain type de société est désormais derrière nous, celle où l’on croyait que, de la réduction de la règle et de la contrainte naîtrait automatiquement une dynamique économique et sociale. 

Modèle porté jusqu’à sa caricature par cette finance mondiale dérégulée qui transformait tout en produits : de l’entreprise où l’on travaille à la maison où l’on habite, dans un échange vertigineux de titres anonymes circulant autour de la planète à la vitesse du trading à haute fréquence. Sans jamais qu’on ne voie que derrière ces produits, il y avait des hommes, sans jamais que n’apparaisse plus aucune valeur humaine. Avec au bout du compte ce risque que nous avons connu, ce risque qui est peut-être encore devant nous, d’aller vers la crise ultime, celle qui remettrait en cause l’équilibre du monde lui-même. 

Pour éviter cette crise, il a fallu que les Etats s’engagent. Mais aujourd’hui, à travers la crise de la dette, c’est eux-mêmes qui se retrouvent pris au piège, contraints de faire payer par tous les dérives de certains.

Oui, ce modèle est derrière nous, sauf à ne pas tenir compte de la peine des hommes, sauf à être prêts à jouer sans cesse avec leur destin. 

Pour autant, si ce modèle est mort, il ne saurait se traduire par un retour en arrière, à un passé plus ancien encore. Et il serait illusoire de vivre perpétuellement dans une nostalgie de ces Trente Glorieuses, qui représentent souvent un âge d’or à nos yeux. Ce serait ne tenir aucun compte de l’évolution du monde, de son unification progressive, de l’émergence de nouvelles grandes nations, ces nations qu’hier encore nous désignions comme faisant partie du Tiers monde et qui aujourd’hui, s’imposent comme des acteurs fondamentaux du nouvel équilibre de la planète.

Alors oui, au delà des choix binaires, il nous faudra sans doute inventer un nouveau modèle. Dans un monde désormais unifié, devant ces nations-continents qui se sont affirmées, si nous voulons conserver non seulement une présence économique mais aussi une culture, une civilisation dont nous sommes héritiers et porteurs, il nous faudra dépasser les frontières, à nouveau faire le choix de l’Europe, forger plus fortement encore une vraie communauté de destin avec ceux dont nous partageons déjà une histoire bimillénaire. 

Il nous faudra même sans doute aller plus loin encore, tisser des liens plus profonds avec ces peuples du bassin méditerranéen à qui depuis des siècles tant d’échanges nous unissent.

Si nous savons aller de l’avant, si nous savons faire preuve de cette audace, alors nous nous redécouvrirons une nouvelle capacité à inventer, à initier de nouveaux projets, sur le plan scientifique, sur le plan technologique, sur le plan économique et social, sur le plan de la culture et des arts, portant très haut cette région du monde où naquit un jour la civilisation du Livre.

Construire l’Europe, bien sûr, mais aussi réformer notre pays. L’ampleur même de nos déficits nous contraint à abandonner des politiques où la croissance ne se nourrissait que de l’augmentation de la dette. Il va nous falloir désormais penser investissement pour rattraper le retard qu’a pris notre appareil productif. 

Cela suppose un effort d’inventivité, de créativité, considérable, dans tous les domaines : technologique, économique, social. Car ce sont les structures même de notre société qu’il nous faudra faire évoluer si nous voulons susciter une nouvelle dynamique. 

Oui, il nous faudra changer de modèle.

Changer de modèle ? J’ai l’impression que dans ce changement là, nos territoires ont bien souvent un temps d’avance sur notre Etat centralisé. 

Regardons notre pays, regardons ses territoires mais plus près de nous, regardons notre ville, notre agglomération, la métropole, qui est en train de se mettre en place. 

C’est évidemment ce nouveau modèle que nous essayons, par nos actions communes, d’inventer au quotidien.

Un modèle qui porte le dynamisme économique au travers de l’innovation et du partenariat, la mise en synergie de tous les acteurs.

Un modèle qui tente de dépasser les fractures spatiales nées du passé pour recomposer une cité certes diverse mais aussi solidaire où, par delà les différences, existent une vraie volonté de vivre ensemble, une vraie volonté de construire un avenir commun.

Un modèle qui ne se contente pas de se projeter dans le court terme, mais qui se veut responsable vis-à-vis des générations à venir.

Un modèle qui entend créer la richesse matérielle mais qui sait que celle-ci ne prend vraiment son sens que si elle débouche sur une richesse plus grande encore, la vraie richesse, la richesse intellectuelle, culturelle, artistique, celles des esprits et des cœurs.  

Cher Alexis Jenni, 
A la fin de cette intervention, c'est-à-dire dans un court instant, je vous remettrai la médaille de la Ville de Lyon, qui veut vous remercier de ce beau prix Goncourt. 

Vous savez bien, vous, - professeur de sciences et heureux de l’être -, que la culture scientifique, technologique, la volonté d’innovation en ces domaines, n’amènent pas à être étranger à la culture littéraire, intellectuelle, artistique. 

Nous avions eu l’occasion de discuter ensemble après votre élection au Prix Goncourt. Je vous avais dit alors que votre style me rappelait parfois celui de Saint-John Perse. Eh bien, c’est par Saint-John Perse que je veux conclure ces vœux. Au moment de recevoir son prix Nobel de littérature, il disait : "L’inertie seule est menaçante. Poète est celui qui rompt avec l’accoutumance". 

Eh bien, Mesdames et Messieurs,

Ce qu’en définitive je souhaite à chacune et chacun d’entre nous, pour cette année, c’est de savoir être poète, de rompre avec l’accoutumance et d’être capable demain de bâtir ainsi, ensemble, un monde meilleur !

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