samedi 21 janvier 2012

Interview

"Pour un acte III de la décentralisation"

Je vous invite à découvrir l'interview que j'ai accordée au quotidien Les Echos ce vendredi.
Je reviens sur ma vision de la décentralisation et sur la place des territoires dans les politiques industrielles de notre pays. Des sujets qui me tiennent particulièrement à coeur, à quelques mois d'échéances électorales majeures pour notre pays.

Pourquoi faut-il un « acte III de la décentralisation » ?
La république a organisé notre pays de manière centralisée. Avec, au niveau local, une entité unique : le département. Mais, aujourd'hui, la réalité de notre société ne correspond plus à cette organisation institutionnelle. Il y a d'un côté l'Europe, qui a pris une influence très forte, à l'autre bout de l'échelle nos grandes régions et nos grandes agglomérations qui se sont affirmées. Il y a aussi cette réalité nouvelle : 80 % de notre population vivent désormais dans les villes. C'est pourquoi renforcer l'armature urbaine doit être une dimension essentielle des politiques nouvelles. Trois catégories de villes existent aujourd'hui dans notre pays à qui il faut donner un contenu institutionnel.
Il faut faire émerger trois ou quatre métropoles d'intérêt européen, constituer ensuite cinq ou six autres grandes villes en métropole d'intérêt national. Enfin, donner des pouvoirs renforcés à la cinquantaine de villes moyennes qui structurent notre pays. Cela suppose bien sûr un acte III de la décentralisation qui verrait un certain nombre de compétences aujourd'hui assurées par l'Etat transférées vers la région.
François Hollande évoque souvent l'idée d'une banque nationale d'investissement. Je pense que c'est à un niveau régional qu'il faudrait développer des fonds d'investissement qui pourraient associer capitaux publics et privés. C'est un sujet dont j'ai souvent discuté en Rhône-Alpes avec quelques-uns de nos chefs d'entreprise, comme Alain Mérieux. Car c'est à ce niveau-là qu'on pourra faire émerger ces « business angels » qui manquent tant aujourd'hui à notre pays.

Pourquoi vouloir décentraliser de nouvelles missions de l'Etat ?
Alors que la crise s'aggrave, les politiques industrielles et de recherche doivent être décentralisées. L'économiste Philippe Aghion l'a démontré : la recherche est plus efficace si elle s'insère dans le tissu local. Les grands groupes industriels eux-mêmes s'organisent aujourd'hui pour détecter des start-up dans les territoires et pouvoir appuyer sur elles leur développement. Il faut donc avoir une conception plus ouverte de l'organisation administrative locale. Les régions coordonnent déjà aujourd'hui les politiques économiques de transport et d'aménagement du territoire. Leurs compétences doivent être élargies à l'université, à la recherche, au financement de l'innovation, elles doivent être responsables de l'ensemble des politiques de formation et de l'emploi et même coordonner les politiques de santé !
Dans les métropoles d'intérêt européen - Lille, Lyon et Marseille -de plus de 1 million d'habitants, il faudra pousser cette logique de décentralisation à son maximum. Elles devraient pouvoir exercer l'ensemble des compétences aujourd'hui exercées par les conseils généraux et cogérer les grandes fonctions métropolitaines avec les conseils régionaux. L'Ile-de-France, elle, devrait faire l'objet d'un grand projet d'intercommunalité aux dimensions de la région.

Pourquoi déléguer aussi la compétence sur la santé ?
Parce que, aujourd'hui dans une gestion qui dépend quasiment totalement du ministère, la plupart des CHU sont en déficit abyssal. Leurs directeurs sont trop dépendants du niveau central et appliquent des politiques qui ne sont pas adaptées à la situation locale. Cela ne marche pas. A Lyon, j'ai dû mettre 40 millions d'euros pour la rénovation de l'hôpital Edouard-Herriot.
Vous proposez de confier aux trois métropoles d'intérêt européen et à l'Ile-de-France les pouvoirs du conseil général. Pourquoi ?
L'agglomération lyonnaise concentre 77 % de la démographie et 82 % de la création de richesse. C'est autour de la grande agglomération qu'il faut organiser l'avenir. Lorsqu'un grand groupe remet en question l'une de ses implantations dans telle ou telle commune, c'est le président de l'agglomération et non le maire de la commune d'implantation qui peut peser, parce que souvent l'agglomération est aussi un client important de ces entreprises.
L'Etat pourrait d'ailleurs transférer aux métropoles d'intérêt européen qui en font la demande la propriété de l'aménagement et de l'entretien des grandes infrastructures, comme les aéroports. Evidemment, ce ne doit pas être l'occasion pour l'Etat de vendre au prix fort ce qu'il ne sait plus totalement mettre en valeur.


Comment répartir les pouvoirs et faut-il prévoir une élection au suffrage universel ?
Le département devrait partout, hors de ces métropoles d'intérêt européen et éventuellement du Grand Paris, rester la collectivité de référence dans le domaine de la solidarité territoriale. A côté des métropoles d'intérêt européen, il faut promouvoir quelques grandes villes (Bordeaux, Toulouse, Nice, Grenoble, Nantes, Strasbourg...) comme lieux de concentration des ressources humaines et de services de haut niveau et par ailleurs assurer le maillage de la France par une cinquantaine de villes moyennes qui seraient les premières bases d'une organisation urbaine. Les premières récupéreraient de plein droit la gestion des transports scolaires, des routes, des zones d'activité économique, de la promotion à l'étranger et pourraient même se voir confier par les régions l'accompagnement des entreprises, l'organisation de la recherche et d'université.

Propos recueillis par Julie Chaveau, Les Echos 

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