vendredi 24 avril 2009

Hommage



" J’ai découvert que j’étais Lyonnais une fois que j’ai cessé de l’être... "



Eric-Emmanuel Schmitt était hier à Lyon, sa ville natale, pour une séance de dédicace de son dernier roman, "Le Sumo qui ne voulait pas grossir" à la librairie Decitre.



Pour moi, sa venue était l'occasion de lui remettre la médaille de la ville. Un vrai plaisir pour moi qui aime à lire cet écrivain lyonnais dont l'oeuvre prolifique est connue partout dans le monde.

Après mon discours, Eric-Emmanuel Schmitt a eu ces quelques mots sensibles où il évoque sa relation avec Lyon. Je suis heureux de pouvoir vous les faires partager sur mon blog. Bonne lecture à tous !



" Je me sens à la fois aimé et compris. Je me suis dit que, décidément, le Lycée du Parc formait bien les êtres, puisque nous en sortons tous les deux. Je suis sensible au fait de recevoir cette marque de reconnaissance, parce que comme vous l’avez évoqué, j’ai découvert que j’étais Lyonnais une fois que j’ai cessé de l’être. C’est souvent ce qui arrive lorsqu’on passe la frontière, qu’on se retourne en arrière et qu’on voit un pays qu’on a quitté, et qu’on voit peut-être l’empreinte de ce pays en soi.

C’est vrai que plusieurs années après avoir quitté Lyon, j’ai découvert ce qu’il y avait de Lyon en moi et qui est très consubstantiel : être à l’aise dans plusieurs siècles à la fois. Quand on a fait ses études à Fourvière, on marche dans du gallo-romain, dans de la Renaissance, dans un lycée construit au 19e siècle, et on a le Lyon moderne qui s’élève, avec les tours de la Part-Dieu qui poussent.

C’est se sentir chez soi dans des strates différentes et il y a ça dans mon écriture. Avec ce Pilate, qui enquête sur la disparition du cadavre du Christ… Je pense que ça, ça me vient de cette ville.
Je pense aussi que parfois les choses qu’on me reproche, c’est-à-dire une maîtrise de la façade, je dirais une maîtrise presque sénatoriale de la façade, c’est quelque chose d’assez lyonnais.

Les Lyonnais sont pudiques, et ont une espèce d’idéal de contrôle, qui est pour moi dans l’écriture, dans un langage. Les violences sont dessous, les folies sont dessous, les turpitudes aussi peut-être, derrière la façade, mais il y a la façade.


Donc je crois que beaucoup de choses comme ça, qui constituent mon écriture, sortent de cette ville, et dans ce texte que j’avais écrit, "Guignol aux pieds des Alpes", je donne même un conseil à quelqu’un qui, par exemple veut faire un enfant d’un naturel philosophe, c’est le conseil qu’ont suivi mes parents, qui sont ici, c’est-à-dire de faire naître leur enfant sur les hauteurs de Sainte-Foy-Lès-Lyon.
Parce que le monde m’a été offert du balcon de Sainte-Foy-Lès-Lyon, le monde m’a été offert comme un spectacle.

Ça a fait l’homme de théâtre. Et le spectacle que je voyais de loin, ça, à mon avis, ça m’a donné le goût de la réflexion. J’étais comme un enfant spectateur et philosophe qui avait le monde à ses pieds.

Lyon est une ville fascinante. On était à la Villa Florentine cet après-midi, et on avait Lyon sous nos pieds. Lyon est une ville à la fois toujours acteur et spectateur, parce que c’est une ville qui s’offre, qui se montre, il suffit de prendre un peu de hauteur.

C’est une ville à même de produire des êtres un peu spéciaux, qui peuvent être des créateurs (...)
Il y a deux choses qui me feraient plaisir, c’est un jour de revenir et jouer dans ce sublime théâtre où j’ai découvert le théâtre, le Théâtre des Célestins. Ma mère m’a amené un jour.

C’est le premier souvenir de ma vie : Cyrano de Bergerac, et je pense que je suis tombé dans la marmite à partir de ce moment-là.
Cyrano était joué par Jean Marais. Avec le recul je pense qu’il ne devait pas être très très bon dans le rôle mais je ne m’en suis pas rendu compte.

J’ai découvert cette pièce sublime et à partir de là, j’ai vibré et su que le théâtre était un lieu de partage des notions humanistes, un lieu où enfin, au lieu de pleurer sur des soucis à moi, je pleurais de façon compassionnelle sur l’histoire d’un autre, ce Cyrano qui croyait qu’on ne l’aimait pas, alors que moi j’étais un enfant aimé et je n’en doutais pas.

C’est un lieu où j’ai découvert l’autre, l’altérité, et en sortant du théâtre, j’avais dit à ma mère : "je ferai ça plus tard".
Elle m’avait dit : "tu veux faire acteur ?", comme Jean Marais ?
Non : "je veux faire Edmond Rostand".

Je voulais faire Edmond Rostand.
Et vous avez dit tout à l’heure que vous avez eu une larme en lisant Oscar. Finalement, j’ai réussi."


Pour lire mon discours : cliquer ici




3 commentaires:

jacques a dit…

Sympa eric emmanuel schmitt. je savais pas qu'il était de lyon. en tout cas c'est un très beau texte. merci de nous le faire decouvrir.

jacques

Amandine G. a dit…

Mr Collomb

J'ai été scandalisée en découvrant aux informations le caillassage de la caravane de l'UMP hier sur la place Bellecour.

C'est honteux et indigne du débat républicain auquel nous sommes tous attachés. Le Maire de la ville devrait exprimer publiquement sa désapprobation devant de tels agissements perpétrés par des délinquants qui sont des ennemis de la démocratie.

Merci.

Amandine

Anonyme a dit…

A l'attention d'Amandine, je ne vois pas pourquoi Mr Collomb devrait intervenir dans ce genre de débat.
Je crois que Mr Cochet devait porter plainte contre ces agissements regretable pour la démocratie.