" Un consensus était possible..."
Le Parlement a adopté hier la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Depuis des mois ce projet a fait se lever des manifestations un peu partout en France. A Lyon, comme dans de nombreuses autres villes, des débordements ont eu lieu, provoqués par des casseurs n’ayant rien à voir avec les revendications légitimes de nos concitoyens. J’ai largement condamné ces violences et je n'ai jamais cessé d'appeler à la responsabilité de tous les acteurs, refusant tous les amalgames.
Ceci étant dit, nous devons nous interroger sur ces manifestations. Parce qu'elles mobilisent une partie des Français et parce qu'elles réunissent un fort soutien de l’opinion publique, elles traduisent une réelle aspiration. Alors oui, une réforme des retraites était nécessaire. La majorité de nos concitoyens le pense, car au fond, que l’on soit de gauche ou de droite, nous sommes tous obligés de constater l’allongement de la durée de vie et la diminution du nombre d’actifs par rapport au nombre de retraités. En 1975, ce rapport était de 3 actifs pour 1 inactif de plus de 60 ans. En 2010, il n’est plus que de 1,8 et devrait s’établir à 1,2 en 2050.
Cette réforme nous concerne tous. Et c'est parce qu'elle nous concerne tous que l'attitude du gouvernement, qui s’est montré hermétique à toute forme de dialogue, de concertation et de négociations, est inacceptable. Ce tour de force et cet entêtement à ne pas vouloir faire de ce sujet un grand débat national ont nourri à mon sens la contestation qui s'en est trouvée plus vive encore, aggravée par la profonde crise sociale que traverse notre pays. Parce que le vécu quotidien des Français et des données concrètes comme la pénibilité, la durée ou les conditions du travail n'ont pas réellement été pris en compte.
Pour ma part, et comme je n’ai de cesse de le répéter depuis des mois, j’estime que d’autres projets sérieux méritaient d’être examinés. Avec un certain nombre d’économistes (comme Thomas Piketty par exemple) et de syndicalistes, j'ai toujours milité pour une réforme s’inspirant du modèle suédois, c’est-à-dire une "retraite à la carte" où chacun fixerait lui-même l’âge de sa retraite en fonction de son état personnel et du nombre de points accumulés au cours de sa vie professionnelle. Ce modèle socialement juste permettrait à des gens ayant commencé à travailler très tôt d’accéder plus rapidement à la retraite.
Or, comme chacun sait, ce sont souvent ceux qui commencent plus jeunes qui exercent les métiers les plus pénibles. Parmi ceux qui partent aujourd’hui à la retraite, certains ont commencé à travailler à 15 ou 16 ans, ils ont cotisé pendant 45 ans et ils ont financé une partie des retraites des autres : augmenter l’âge de départ de façon uniforme et pour tout le monde leur apparaît injuste et ils ont raison. Même constat pour celles et ceux qui, évoluant dans des professions intellectuelles, dans certaines activités tertiaires, universitaires, scientifiques, etc. souhaitent travailler plus longtemps.
C’est parce que je crois à ce modèle beaucoup plus souple, que fixer le seuil légal de la retraite à 62 ou à 67 ans à taux plein me semble inadapté à notre réalité économique et sociale. Ces seuils ne permettent pas de prendre en compte l’infinie diversité des parcours professionnels des Français. Ils induisent un effet "couperet" qui décourage les employeurs et défavorise l'emploi des seniors. Les représentants du gouvernement ont beaucoup dit que leur réforme visait à sauvegarder les retraites par répartition qui est une conquête du Conseil National de la Résistance. Je reste convaincu qu’il est urgent de refonder notre système par répartition. Mais pour moi rien ne servait d’effrayer nos concitoyens avec des mesures figeant dans le marbre un certain nombre d’inégalités.
Que fallait-il faire ? D’abord, remettre de l’ordre dans nos régimes de retraites actuels. Etablir un régime unifié fondé sur des comptes individuels de cotisation, auxquels l’Etat garantirait un certain rendement annuel. Au terme de sa vie active, le salarié bénéficierait ainsi d’une pension mensuelle dépendant du nombre d’années de cotisation avec une libre possibilité de choix de la date de son départ et un montant calculé avec un coefficient tenant compte de l’espérance de vie de la génération à laquelle il appartient.
Ce type de solutions supprimerait les inégalités entre nos régimes de retraite actuels. Il supprimerait les inégalités entre les générations. Il considérerait mieux la situation de ceux qui ont commencé à travailler tôt et intègrerait aussi la contrainte démographique. On pourrait aussi prendre en compte par unification du système de points, la situation des femmes, (ou des hommes), ayant accompli un parcours discontinu pour pouvoir élever des enfants. On pourrait aussi mieux intégrer la différence d’espérance de vie entre les métiers. Ce système permettrait toutes les souplesses de la retraite choisie ou à la carte.
Si le gouvernement avait eu l’audace de cette réforme, il aurait évité bien des frustrations. Ce discours peut-il être entendu ? Je veux le croire. En tout cas les Parlementaires ont adopté hier une disposition permettant que s’engage un débat dès 2013 qui pourrait nous permettre de progresser dans cette voie. Mais d'ici là, il n'aura échappé à personne que d'autres échéances se présenteront aux Français !
4 commentaires:
Le gouvernement casse nos retraite et privatise le système social au profit des fonds de pensions et des intérets du frere de Sarko. Voila la vérité !!
Très bon texte monsieur le maire. Nous sommes nombreux à soutenir ce projet de retraites à la carte. Dommage qu'au PS on se soit engouffré dans la brèche des 60 ans, Royal en tête. A nouveau l'archaïsme gagne les rangs de la gauche sur cette réforme nécessaire. Espérons qu'après 2012, quel que soit le gouvernement, de droite ou de gauche, on puisse aboutir à ce modèle que les Suédois ont réussi à mettre en place en moins de 10 ans.
j'ai apprecie votre hommage à Geoges Freche,vous etes l'un des seuls à ne pas lui avoir tourner le dos dans la tourmente ,alors qu'aujourd'hui beaucoup retournent leur veste...
Affirmations fort hâtives : il y a compatibilité entre les 65 et possibilité à 60 de SR avec le " à la carte" du billet ci-dessus.
La divergence provient surtout de l'antepénultième paragraphe citant " un certain rendement annuel...", rendement qui sous-entend tout ou partie par capitalisation au lieu de répartition.
G. Eloi
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