" La Fraternité, faire du socialisme un humanisme "
Vendredi et tout ce week-end, Grenoble accueille les "Etats généraux du renouveau"*. Initiées par Libération et le Nouvel Observateur, ces rencontres vont fédérer des dizaines d'associations, think tanks, fondations, ONG autour du thème "Inventer une société de fraternité !" De nombreuses personnalités politiques et intellectuelles participeront à ces journées de mobilisation citoyenne. Pour ma part je débattrai dimanche 20 juin, de 11h30 à 13h00, avec le philosophe Edgar Morin**, sur la question "Fraternité, l'oublié du triptyque républicain ?" En amont de ce débat, voici, pour vous, lecteurs de mon blog, les premières pistes de ma réflexion. Notez également que du 24 au 26 septembre, le Forum Libé sera de retour à Lyon sur le thème "Planète durable !"
" Plus de deux siècles après la Révolution Française, que reste-t-il d’une devise "Liberté, Égalité, Fraternité" qui a fait se lever des générations, et rêver tant de peuples ? Au fil de l’Histoire, chaque individu ou courant de pensée s’est trouvé être sommé de choisir entre les deux premiers termes de la trilogie républicaine.
La droite s’est appropriée le premier, dénonçant dans la passion égalitaire un élément liberticide qui conduirait inévitablement au totalitarisme communiste ou à l’impuissance de l’État Providence. Mais au nom de la Liberté, poussée jusqu’au bout, s’est mis en place un ensemble de valeurs glorifiant la seule réussite individuelle, valorisant les seuls gagnants, dans une société dont il fallait supprimer toute régulation. On sait aujourd’hui à quelle régression sociale, mais aussi à quelle aberration économique, ce modèle a pu aboutir.
Une partie de la Gauche s’est, elle, référée au deuxième terme, s’attachant à montrer que dans le capitalisme, les libertés étaient formelles et que seule la Révolution pouvait aboutir à des libertés réelles. On sait ce que cette critique de la liberté au nom de l’égalité, a pu produire de tragédies, là où s’est installé le socialisme réel.
Alors ? Alors, il faut sans doute admettre, comme le constatait Proudhon – avant que Marx ne devienne hégémonique à gauche –, que les fondements de notre société reposent sur des réalités contradictoires, sur une nécessaire tension entre les termes de liberté et ceux d’égalité. Des valeurs qui ne peuvent trouver de sens et se réconcilier l’un et l’autre qu’en étant transcendés dans le troisième terme de notre devise : la Fraternité.
Dans un monde qui est devenu unique et qui – de ce fait – nous impose d’avoir à vivre ensemble, de répondre ensemble aux défis de la planète – qu’ils soient économiques, écologiques, ou sociaux – il nous faut retrouver des modes de vie commune, un nouveau type de rapport à l’autre comme de rapport à la nature. La Fraternité apparaît ainsi obligatoire, indispensable sauf à laisser notre planète suivre un cours de bateau ivre.
Utopique de vouloir remettre cette valeur de fraternité au sein de l’action politique ? Oui, comme l’était le socialisme d’avant la pensée marxiste. Lorsqu’au lieu, de tout faire dépendre d’une hypothétique révolution, il s’attachait plutôt à changer les bases de la société par le développement des solidarités au travers du mutualisme, de la coopération et des associations.
Oui, comme lorsqu’il ne faisait pas tout dépendre de l’État, mais pensait le changement social à tous les niveaux, s’appuyant sur le niveau local pour s’élargir en une démocratie fédérative au niveau de l’État, au niveau de l’Europe. Et évidemment aujourd’hui, au niveau du monde. Renouer avec la fraternité, pour nous, c’est une évidence. Ce sera faire du socialisme un humanisme. "
* Le programme des Etats généraux du Renouveau : cliquer ici.
** Edgar Morin vient de faire paraître "Ma Gauche", François Bourin Editeur, collection Politique.
La droite s’est appropriée le premier, dénonçant dans la passion égalitaire un élément liberticide qui conduirait inévitablement au totalitarisme communiste ou à l’impuissance de l’État Providence. Mais au nom de la Liberté, poussée jusqu’au bout, s’est mis en place un ensemble de valeurs glorifiant la seule réussite individuelle, valorisant les seuls gagnants, dans une société dont il fallait supprimer toute régulation. On sait aujourd’hui à quelle régression sociale, mais aussi à quelle aberration économique, ce modèle a pu aboutir.
Une partie de la Gauche s’est, elle, référée au deuxième terme, s’attachant à montrer que dans le capitalisme, les libertés étaient formelles et que seule la Révolution pouvait aboutir à des libertés réelles. On sait ce que cette critique de la liberté au nom de l’égalité, a pu produire de tragédies, là où s’est installé le socialisme réel.
Alors ? Alors, il faut sans doute admettre, comme le constatait Proudhon – avant que Marx ne devienne hégémonique à gauche –, que les fondements de notre société reposent sur des réalités contradictoires, sur une nécessaire tension entre les termes de liberté et ceux d’égalité. Des valeurs qui ne peuvent trouver de sens et se réconcilier l’un et l’autre qu’en étant transcendés dans le troisième terme de notre devise : la Fraternité.
Dans un monde qui est devenu unique et qui – de ce fait – nous impose d’avoir à vivre ensemble, de répondre ensemble aux défis de la planète – qu’ils soient économiques, écologiques, ou sociaux – il nous faut retrouver des modes de vie commune, un nouveau type de rapport à l’autre comme de rapport à la nature. La Fraternité apparaît ainsi obligatoire, indispensable sauf à laisser notre planète suivre un cours de bateau ivre.
Utopique de vouloir remettre cette valeur de fraternité au sein de l’action politique ? Oui, comme l’était le socialisme d’avant la pensée marxiste. Lorsqu’au lieu, de tout faire dépendre d’une hypothétique révolution, il s’attachait plutôt à changer les bases de la société par le développement des solidarités au travers du mutualisme, de la coopération et des associations.
Oui, comme lorsqu’il ne faisait pas tout dépendre de l’État, mais pensait le changement social à tous les niveaux, s’appuyant sur le niveau local pour s’élargir en une démocratie fédérative au niveau de l’État, au niveau de l’Europe. Et évidemment aujourd’hui, au niveau du monde. Renouer avec la fraternité, pour nous, c’est une évidence. Ce sera faire du socialisme un humanisme. "
* Le programme des Etats généraux du Renouveau : cliquer ici.
** Edgar Morin vient de faire paraître "Ma Gauche", François Bourin Editeur, collection Politique.
Résumé : "Il est grand temps pour ces gauches françaises de renouer avec l'aventure des "redresseurs d'espérance". Mais comment régénérer l'espoir au 21e siècle ? Pour mieux amorcer cette réinvention, Edgar Morin, s'appuyant sur plus de 40 années de réflexion et d'interventions publiques, nous aide à reconsidérer cette gauche qui doit relever les défis de la dégradation des solidarités, de la planète en crise et de la mondialisation. Ma Gauche, recueil de réflexions et d'analyses politiques, a l'énergie intellectuelle et la vitalité qu'il faut pour stimuler tous ceux qui s'efforcent de sortir de la "grande régression". Le diagnostic est sévère, mais c'est celui d'un ami.
6 commentaires:
Je n'aime pas Edgar Morin que je trouve de plus en plus sénile. Ceci étant dit, c'est une bonne chose de vous voir débattre avec lui car je pense que vos idées sont profondément différentes. J'essaierai d'aller jusqu'à Grenoble si j'en ai le temps dimanche. Bon courage.
Bon débat gégé !
Vous pouvez lire un historique du concept même de fraternité et notamment une précision sur ses relations avec la révolution de 1789 sur http://assoreveil.org/les_tribulations_de_la_fraternite.html.
Quant à la sénilité d'Edgar Morin, je ne peux que souhaiter à Slimane de jouir de la même vigueur de pensée que ce philosophe.
et mais au fait, la fraternité c'est pas aussi laissé un espace aux gens pour qu'ils construisent leurs projet ? comme par exemple leurs laissé la friche RVI ....
http://www.friche-rvi.org/V3/index.php
"Quand le système s'écroule" : Il est l'heure de changer de temps, d'impulser une nouvelle dynamique, de mettre en marche la justice et de créer une voie alternative. La Fraternité qui unie et transcende la liberté et l'égalité, certes.
Soyons honnête (il suffit d'être Observateur et de tester le truc) : cette Fraternité n'étant pas à ce jour visible, il est raisonable de penser qu'elle n'existe pas. Que des mots!!!
Ajoutons pour conclure la nécessaire Justice pour rendre réelle notre bon vieux dicton républicain. Et là, c'est pas gagné!!!
debat de bon niveau. etonnant cet edgar morin.
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